Les draineurs, coupe-faim, brûleurs de graisses peuvent être la cause de cancers du tube digestif ou du rein, de troubles neurologiques et de graves complications cardio-vasculaires. Se débarrasser de sa surcharge pondérale au détriment de sa santé. Une problématique à laquelle sont confrontées plusieurs centaines d'Algériens. «Sans une hygiène de vie spécifique et une pratique physique régulière, il n'existe aucun médicament miracle qui permet à l'usager de se débarrasser de son surpoids.» Ainsi Jacques Savary, éminent dermatologue français, coupe l'herbe sous les pieds des utilisateurs des produits amincissants. «Si les tisanes n'ont pas d'effets secondaires inquiétants, les comprimés risquent d'aggraver l'état de santé de la personne consommatrice», a-t-il encore précisé. La prise irréfléchie et imprudente de ces produits est la résultante du surpoids et de l'obésité. Deux phénomènes qui gagnent du terrain en Algérie. Ils touchent, notamment la gent féminine, 53% des femmes en seraient atteintes. Consommation abusive de sucreries, manque d'activité physique, sédentarité...sont autant de facteurs qui ont favorisé l'apparition de l'obésité, inconnue jadis. Cette corpulence, comme l'a souligné la chercheuse américaine Rachel Whitmer, multiplie par trois le risque de développer la démence. Si on est extrêmement loin des proportions enregistrées dans les pays industrialisés et, notamment aux Etats-Unis, le danger est bel et bien réel. Insouciante, cette frange concernée par le phénomène préfère recourir à des produits amincissants. Leur but est de se débarrasser des kilos superplus qui gênent dans leur vie de tous les jours. Ils optent pour la solution la «plus facile». Est-ce effectivement le cas? Il y a lieu de s'interroger sur le fait de savoir si les «médications» expérimentées par ces adultes sont réellement efficaces. Certes pas! Qu'il s'agisse de tisanes, notamment celles ayant un effet laxatif, pommades, poudres, pilules, gélules, ampoules buvables...ou gels à base d'algues, c'est la santé du citoyen qui est malheureusement mise en péril. Devoir de conscience des médecins Car le mal a atteint son paroxysme, les médecins spécialistes ont établi de sévères «réquisitoires.» Ils préviennent contre des complications qui peuvent être difficilement guérissables, ou même irréversibles. En cas d'usage, «demandez exactement l'indication, la composition et les contre-indications de ces produits», a précisé un spécialiste. Les draineurs, coupe-faim, brûleurs de graisses peuvent mener à des fins pour le moins calamiteuses. Voulant mettre les patients devant leur responsabilité, un cancérologue du CHU Mustapha-Bacha a évoqué le risque «de contracter un cancer du tube digestif, être atteint de troubles neurologiques, psychiatriques...et de graves complications cardio-vasculaires.» Sur un autre volet, psychologique celui-là, M.L., psychiatre à Alger, exhorte les patients à se méfier des forums de beauté sur Internet contenant la phrase magique: «J'ai la solution pour maigrir.» Certaines publicités vantent régulièrement les mérites de ces substances. C'est, notamment, le cas du Detoxykall, un produit mis en vente libre via Internet. Ce produit, disent ses concepteurs, assurerait la perte de 5 à 20 kilos en un temps assez court, et sans efforts. Est-ce sans danger pour la santé? «Des analyses toxicologiques sont en cours et les premiers résultats suscitent la plus extrême prudence», précise une spécialiste à Aïn Naâdja. Ce n'est pas la première fois que ces produits suscitent de fortes inquiétudes auprès des spécialistes de la santé. Des herbes chinoises mal identifiées ont eu, il y a quelques années à peine, des effets néfastes sur de nombreuses patientes. En Belgique, plusieurs patientes ont dû être mises sous dialyse. Les substances qu'elles avaient ingérées avaient abouti à la destruction de leurs reins pour les unes, à des cancers du rein pour les autres. Actuellement, rien n'est moins sûr lorsque l'on constate la multitude de produits mis à la disposition du public, souvent trop peu averti des dangers qu'il encourt, et disponibles sur le marché algérien Que dire du manque de contrôle toxicologique effectué sur ces produits? «Nous conseillons la plus extrême prudence face à de telles substances», avertit une dermatologue exerçant au CHU Mustapha-Bacha. «La méthode la plus simple et la plus fiable pour perdre quelques kilos de façon durable, consiste à équilibrer mieux son alimentation (en quantité et en qualité) et à augmenter son activité physique quotidienne», a-t-elle souligné. Les médicaments existants, Xénical ou Sibutramine, sont prescrits sur ordonnance et exclusivement destinés aux personnes obèses. Environ un tiers des patients traités avec l'un de ces médicaments, ont perdu plus de 10% de leur poids. L'Orlistat (Xénical), quant à lui, bloque partiellement l'absorption des graisses, il permet de réduire de 30% les calories issues des lipides. Le principal effet secondaire est l'apparition de flatulences (gaz intestinaux). La Sibutramine (Sibutral) agit via le système nerveux central sur le contrôle de la faim et de la satiété. Elle permettrait également d'augmenter la dépense énergétique (thermogénèse). En revanche, ce médicament peut générer plusieurs effets secondaires: accélération du rythme cardiaque, augmentation de la pression artérielle et... troubles digestifs. Sa consommation est contre-indiquée pour les hypertendus, les personnes atteintes de maladies cardio-vasculaires et de glaucome. Depuis 2001, ce médicament peut être prescrit uniquement par certains spécialistes: endocrinologue, cardiologue, etc. Ces mêmes spécialistes ont remis en cause son efficacité à long terme. «Les résultats ne durent généralement que le temps de la cure», ont-ils précisé. Entre inconscience et responsabilité Le constat établi est peu reluisant. Des enfants, à l'orée de leur adolescence, peinent à parcourir une distance, largement à leur portée. Ils sont nombreux à en témoigner. Et d'avouer leur erreur. Un jour, les regrets seront incommensurables et ces adultes de demain se diront: «Ah! si jeunesse savait...» Candidat au baccalauréat, série lettres, Amine endure le martyre. A son 18e printemps, il pèse 95 kilos. Habitant à quelques encablures du lycée, le natif d'Alger n'a plus de souffle après cinq minutes de marche. A-t-il consulté des médecins spécialistes afin d'établir un diagnostic détaillé? Le rire en coin, il nous répond: «Je me contente d'un traitement, le 804, consistant à perdre 4 kilos en 8 jours, conseillé par un pharmacien.» A-t-il obtenu les résultats escomptés? Réticent, Amine, avoue que son poids n'a pas baissé comme il le souhaite. «Au contraire, j'avais une diarrhée chronique qui m'a obligé à arrêter immédiatement ce traitement», a-t-il regretté. Le cas de Nouara, native de Kabylie, est quasiment identique. Elle, qui a voulu être mannequin pendant son enfance, se trouve «enveloppée» de graisse depuis qu'elle a accouché. «Mes différentes tentatives n'ont abouti à aucun résultat positif», explique-t-elle, peinée. Ses souffrances psychologiques sont énormes. «Elle n'arrive pas à s'imaginer comme elle a voulu être», a précisé son médecin. Pratiquait-elle du sport avant sa grossesse? «Les exercices physiques me font terriblement peur même si je suis consciente qu'avec mon surpoids, mes chances de vivre seront réduites», indique-t-elle, les larmes aux yeux. Si les médecins spécialistes ne croient plus en l'usage de ces produits, on se demande comment les personnes concernées réussissent à les acquérir. Ces substances se vendent-elles sans avis d'un médecin ayant examiné le patient? Le pharmacien est-il autorisé à délivrer les produits amincissants, sans ordonnance? Assumera-t-il les retombées qui peuvent en découler si les usagers subissent des complications? Nonobstant cela, la donne a changé. Aujourd'hui, force est de constater que nombre de pharmaciens ont été remplacés par des «vendeurs en pharmacie.» Ils sont des étudiants en médecine, des infirmiers etc. C'est du moins ce qui a été constaté après une tournée effectuée dans plusieurs officines de la capitale. Pis, le client peut se retrouver devant des vendeurs qui, parfois, ne connaissent que peu ou prou, du domaine des médicaments. S'agissant de la vente de ces produits amincissants, H.M., jeune étudiante en médecine, qui souffre du surpoids, a précisé que, parfois, «ce sont les pharmaciens qui nous poussent à les utiliser sans nous prévenir des dangers que ces substances cachent». Assumer pleinement sa responsabilité est une donnée que certains pharmaciens, interrogés, ont refusé d'admettre. «Ce genre de médicaments est inexistant dans ma pharmacie. Demain, on ne peut rien contrôler car ces produits se vendent sans certificat médical», explique une pharmacienne exerçant depuis une quinzaine d'années à Kouba. Que pensent les avocats de cette problématique? Unanimes, ils clament: «Le pharmacien engage son entière responsabilité pour tout acte au niveau de son officine et il devra répondre devant la loi en cas d'incident.» Cependant, ajoute C.L., juge d'instruction: «Ce sont les médecins qui doivent faire preuve de conscience. Ils connaissent les dangers que font encourir ces substances...» Les spécialistes se contentent de se renvoyer la balle. Le problème relatif à la prise, de façon inconsciente, des substances amincissantes, risque de perdurer et d'atteindre des proportions plus alarmantes, à l'orée d'une ouverture du marché pleine d'incertitudes.