Le nouvel ambassadeur des Etats-Unis à Madrid avait publiquement déclaré à sa prise de fonction, à la rentrée 2013, qu'il attendait avec «impatience l'arrivée du premier destroyer des Marines à la base de Rota (Séville)». «Ma mission, dit-il, est avant tout sécuritaire !» Ce week-end, l'ambassade des Etats-Unis était mobilisée pour célébrer le «grand événement» de mardi, jour de l'arrivée du premier des quatre destroyers dotés de missiles, à la base américaine de Rota (Cadix). Seule fausse note qui va sans doute gâcher la fête, le mauvais temps qui était au rendez-vous en Méditerranée. Ce sera sans doute la déception pour les 338 marins de l'USS Donald Cook qui a levé l'ancre le 31 janvier de Norfolk (Virginie) dans l'espoir de pouvoir admirer la belle côte nord-africaine vers laquelle seront pointées les missiles américains. Ce navire de guerre est avec les trois autres qui devront appareiller à leur tour en été, l'USS Ross, l'USS Porter et l'USS Carney, parmi les plus modernes de l'US Navy, dotés de système de combat Ageis et de SM-3. Au total, environ 1300 militaires américains et 1800 civils poseront pied en Espagne au terme de ce déploiement qui s'achèvera en 2015. Les quatre destroyers de la classe Alreigh Burke sont affectés au plan de Déploiement avancé des forces navales, le FDNF (Froward Deployed Naval Forces). Ce «rideau de missiles» inclut dans sa première phase un radar en Turquie et, plus tard, des bases d´interception de missiles en Roumanie et en Pologne. Initialement, il avait été prévu par l'ex-président Bush en Pologne et en Tchéquie, donc aux portes de la Russie. «Un potentiel offensif et non défensif» Vladimir Poutine avait alors immédiatement réagi avec des arguments de poids. «Ce rideau de missiles n'a de défensif que le nom, en vérité il fait partie du potentiel offensif de l'Otan», dit-il avant de brandir la menace du retrait de la Russie du Traité de Start sur la réduction des armes stratégiques au Sommet de l'Otan qui s'est tenu à Munich, le chef du Pentagone, Chuch Hagel, avait voulu être rassurant en déclarant que le Programme de défense anti-missiles (BMD) n'a pas été monté contre la Russie, mais contre des pays qui développent leurs programmes nucléaires comme la Corée du Nord et l'Iran sous Ahmadinejad. Or aucun de ces deux pays n'a la capacité de fabriquer des missiles de portée de 3000 ou de 5000 km. Encore que l'éloignement géographique de ces deux pays rend impossible le champ d'un radar Aegis en Turquie qui ne dépasse pas les 500 km. C'est l'amiral à la retraite, José Mariá Treviño, ex-chef d'état-major du commandement de l'Otan à Lisbonne qui donnera la vraie réponse sur la véritable cible du rideau de missiles de Rota. «Moi, je ne mentionnerai ni l'Iran, ni un autre pays, car des gouvernements qui sont nos amis aujourd'hui peuvent cesser de l'être demain.» Plus concrètement, l'Iran avec le président Rohani a cessé d'être la grande préoccupation de l'Occident, depuis la signature des accords de Genève sur le contrôle du programme nucléaire iranien. Par contre, des pays d'Afrique du Nord alliés plus exposés à la menace djihadiste, en Libye ou en Egypte notamment, rien ne garantit qu'ils ne puissent pas tomber un jour aux mains des salafistes. Voilà qui peut justifier l'orientation des missiles de Rota vers le Maghreb qui est à portée de main de la Force d'intervention rapide en Afrique basée à Morón de la Frontera (Séville).