Que l'on soit adepte des pratiques de sorcellerie ou non, le thème ne laisse pas indifférent tant il a pris de l'ampleur dans notre société. Les malintentionnés qui attribuent le recours à ces pratiques aux seules femmes devraient revoir leurs cartes. Hommes et femmes, instruits et incultes, sont tous susceptibles de se retrouver clients auprès de sorciers et autres, les problèmes existentiels n'étant pas sexistes. Qu'est-ce qui pousse donc les gens à recourir aux services de ces adeptes du monde occulte ? C'est la question que nous avons posée à Ayache Ben Cheikh, professeur en psychologie à l'université de Bouzaréah. «Les personnes qui en arrivent à se tourner vers les pratiquants de sorcellerie sont dans la plupart du temps des personnes qui sont en attente de quelque chose. Un projet qu'ils ont monté et pour lequel elles se sont données un temps pour le réaliser.» Par projet, notre interlocuteur entend un projet de mariage, de montage d'entreprise ou autre, primordial pour sa vie future. «Inconsciemment, dans sa tête, il va mettre un délai pour concrétiser ce projet. Quand il n'y arrive pas, l'impatience qui le gagne est décisive, car c'est là que tout va se décider.» A cette étape de sa vie l'individu est à la croisée des chemins. L'un, raisonnable, où il saura s'armer de patience, ou l'inverse. «Dans son impatience, il cherche le changement. Refusant l'idée qu'on dise de lui qu'il a raté son projet, il va fréquenter ce milieu où il croit être à l'abri de son entourage. Moralement affaibli, il va se reposer sur le harz que le taleb va lui confectionner et avec lequel il lui promet de sortir le diable qui est en lui et qui freine l'accomplissement de son projet», dira t-il.S'ensuit chez cet individu «un manque de confiance en soi, accentué par les rencontres que l'on peut faire à ce moment de notre vie, comme le hammam, le cimetière où souvent les gens viennent parler de leurs problèmes. Pour les personnes qui ont perdu confiance en soi, leur image reflétée par le miroir va leur paraître brouillée». Pour M. Ben Cheikh, cette situation va se compliquant dès lors que la malheureuse personne passe à l'étape où le taleb lui recommande des recettes à manger. «Avec un moral au plus bas et la perte de sommeil qui s'ensuit, le malade est amené à absorber des potions dont il ignore la composition. Non seulement elles ne vont pas le guérir, mais elles vont développer en lui une accoutumance. Derrière se tapit la dépression, qui après avoir longtemps couvé en lui, mène souvent au suicide», conclut-il.