«Un maire russe pour un peuple russe», a scandé hier la foule en colère au centre de Sébastopol, ville portuaire du bord de la mer Noire… en Ukraine. Depuis que l'opposition – composée principalement de nationalistes ukrainiens – a pris le pouvoir dans le pays, la division de l'Ukraine est sur toutes les lèvres dans les régions russophones du sud et de l'est de ce grand pays. Au sujet de l'autonomie, les habitants de Sébastopol, sur la péninsule de Crimée, ont décidé de passer des paroles aux actes : lundi soir, plusieurs milliers de personnes se sont réunies devant la mairie. Première revendication : réunir d'urgence le conseil municipal pour nommer au poste de maire Alexeï Tchaly, un homme d'affaires local étroitement lié à la Russie. Certaines personnes exigeaient de prendre d'assaut la mairie, d'autres brandissaient le drapeau russe en ignorant les objections selon lesquelles Alexeï Tchaly ne pouvait pas occuper le poste de maire parce qu'il a la citoyenneté russe. Il a été rapidement annoncé que Tchaly avait été élu président du nouveau conseil de coordination et quelques minutes plus tard, il est apparu à la fenêtre du premier étage sous les cris de ses partisans. Pour tenter d'apaiser la situation, l'ex-maire Vladimir Iatsouba avait d'abord annoncé sa démission, ouvrant la voie à l'application du slogan des manifestants «un maire russe pour un peuple russe». Deux manifestations similaires ont été organisées ces derniers jours au sud et à l'est de l'Ukraine mais nulle part la colère contre le nouveau régime n'était aussi prononcée qu'en Crimée, péninsule de la mer Noire abritant 2 millions d'habitants et unique région ukrainienne où les Russes ethniques vivent en majorité. La nomination d'Alexeï Tchaly, largement couverte par les médias est sans précédent. Sébastopol n'avait encore jamais élu de maire par référendum national depuis la privation de ce droit par Kiev en 1992. Après cette prise de décision collective et la nomination de Tchaly au poste de maire, les manifestants de Sébastopol ont exigé des forces de l'ordre municipales qu'elles prêtent serment au nouveau maire, et ont bloqué les rues qui mènent vers la ville. Des rumeurs ont été répandues, disant que des troupes armées étaient envoyées depuis l'Ukraine occidentale pour réprimer les émeutes en Crimée et leur imposer la volonté de Kiev. Le chef de la police municipale Alexandre Gontcharov, répondant aux questions des manifestants, a déclaré que les quatre routes qui menaient vers la ville seraient bloquées par des policiers armés. La Crimée a une longue histoire commune avec la Russie. Officiellement la région faisait partie de la Russie jusqu'en 1954, avant que Nikita Khrouchtchev transmette ce territoire à la République socialiste soviétique d'Ukraine. Début 2010, quand Ianoukovitch a été élu président, l'Ukraine avait prolongé la location de la base navale de Sébastopol jusqu'en 2042, renforçant ainsi les liens économiques déjà solides entre cette région et Moscou.