Haine Houria, la quarantaine, brûle d?envie de voir son ex-mari croupir en prison. Me Radia Otsmane, le conseil de Med-Cherif R. 53 ans inculpé de non-paiement de la pension alimentaire, a dépassé son rôle en jouant à la bienfaitrice intermédiaire entre son client et la victime. Il n?y a que chez nous, en Algérie, ce très beau pays hélas en proie à des catastrophes espisodiques ces derniers temps, où une femme, une mère de famille, pénommée Houria, réclame la détention à l?encontre du père de ses enfants. Un comble, la liberté (Houria) contre la liberté. Bon, il faut dire que Med-Cherif n?est pas un saint homme ni un ange, mais il demeure tout de même un citoyen qui doit obéir à la loi. Il n?avait pas à devoir à ses enfants près de huit millions de centimes. Rachid Aouissi, le juge, jette, dans une ambiance morne, «polluée» par des pleurs de bébés, dans les bras de leurs mamans : «Vous avez quatre enfants, quatre mille misérables dinars par mois. Pourquoi, vous êtes-vous créé des problèmes en vous mettant en position d?inculpé ? Vous travaillez ?» Med-Cherif, tête baissée, ne répond pas au président mais ? et c?est rigolo dans ce minidrame ? il ne peut voir son ex, debout à sa droite mais légèrement à l?arrière, danser presque. Elle n?est pas venue, on vous le répète récupérer seulement le fric des gosses. Non, elle a fait le déplacement au tribunal pour écouter, suivre, entendre et prendre acte de la détention de ce «haggar» ce minable. (Les qualificatifs sont de madame). Ah ! une anecdote pour vous décrire le genre de justiciable qu?abordent avocats et magistrats. Med-Cherif avait, grâce à l?adroite insistance de Me Otsmane, bénéficié, quinze jours auparavant, de la liberté provisoire pour qu?il puisse ramasser le maximum de la somme due aux enfants. Or, le jour du procès, à l?ouverture de l?audience, l?avocate et la victime étaient là, Med-Cherif non. L?avocate assure devant le tribunal qu?il sera là bientôt. Et comme la flexibilité est le fort de Aouissi, le juge, la décision est prise de mettre de côté le dossier pour quelque temps. Et lorsqu?une demi-heure plus tard Monsieur arrive en trombe, il lance au juge : «Vous n?avez pas une idée sur l?infernale circulation Larbaâ-El-Harrach via Baraki». Et le président de répliquer : «Oh ! Si, si. Mais vous, vous n?avez pas une seule idée de ce que veut Madame» ; puis il se retourne vers la victime qui avait souhaité rectifier : «C?est six millions pas huit.» Il faut rappeler qu?elle est venue écouter le verdict l?envoyant à l?ombre pour longtemps. «Avez-vous encaissé votre dû ?» demande la magistrate. L?ex répond oui, mais il reste deux millions pour les multiples dépenses effectuées. Me Otsmane plaidera la bonne foi de son client. «Il ne travaille pas. Il se débrouille pour ramasser çà et là des subsides en vue de les envoyer à ses fils», dit-elle, sûre d?elle. L?ex ne tient pas en place. Elle veut non seulement des dommages et intérêts mais en... veut presque terriblement au juge d?avoir accordé la liberté provisoire à Med-Chérif dont elle évite de croiser le regard. Nous remarquons que lui aussi. Il fait pire, il ne fait que regarder Hamdi, le greffier, prenant des notes précieuses dans ce dossier. Le juge réfléchit quelques instants et estime que les cinquante trois mille dinars remis la veille du procès étaient largement suffisants. Il met l?affaire en examen, histoire de fixer les dommages et intérêts avec rigueur, certes, mais en tenant compte de l?état du prévenu. À l?issue de l?audience, Med-Chérif écope d?une peine de prison de six mois assortie d?un sursis. Et c?est bien payé Moh-Cherif !