Il arrive finalement à M. Abdelkader Zoukh, le sémillant nouveau wali d'Alger, de plaisanter. On pensait que sa marque de fabrique était plutôt le sérieux, et voilà qu'il nous montre une nouvelle facette de sa personnalité qu'on ne connaissait pas : il rigole. On aurait pu lui concéder que le rire est une chose sérieuse, sauf qu'il ne fait rire personne. Surtout pas quand il s'explique sur le logement Aadl d'Ouled Fayet obtenu par son fils récemment dans des conditions pas très nettes : le wali d'Alger, Abdelkader Zoukh, défend son fils au cœur d'une polémique, après avoir obtenu un logement Aadl à Alger. «Mon fils a une carte de vote et une résidence à Alger… Moi et tous les membres de ma famille avons changé de résidence et obtenu une carte de vote de façon automatique dès ma nomination» ! Voilà ce qu'il a déclaré au quotidien Echourouk dans un entretien publié hier. Il suffirait donc à n'importe quel jeune Algérien de «déménager» dans la capitale pour obtenir un logement Aadl ? Pas vraiment, puisqu'il faut aussi avoir… sa carte de vote ! On pensait que c'était beaucoup plus compliqué que ça et voilà que M. Zoukh nous donne un peu raison : «Mon fils s'est inscrit au programme Aadl et a obtenu un logement en tant que citoyen qui touche plus de 24 000 dinars par mois» ! Si le wali d'Alger ne connaît pas la procédure légale pour l'accès au logement dans la formule, c'est tout de même grave. S'il la connaît et trouve normal qu'elle soit aussi allégrement enjambée pour les beaux yeux de son rejeton, c'est beaucoup plus grave. Et s'il pense se payer nos têtes, histoire de nous convaincre qu'il n'est pas le pince-sans rire qu'on croit, c'est le bouquet ! Y a-t-il quelqu'un pour expliquer à M. Zoukh qui donne pourtant l'impression de tout connaître comment les Algériens «normaux» font pour obtenir – ou seulement espérer obtenir – un logement Aadl ou c'est inutile ? Faisons-le quand même, juste par acquit de conscience. On s'inscrit sur internet en fournissant un tas de renseignements parfois pénibles et souvent inutiles. On attend parfois des semaines avant qu'on vous réponde que votre demande est validée. On attend des mois pour qu'on vous donne le feu vert pour envoyer votre dossier, très volumineux, par lettre recommandée avec accusé de réception. Vous attendez encore parfois des mois, juste pour recevoir l'accusé de réception et ce n'est pas toujours à cause des lenteurs légendaires de la poste. Vient ensuite l'attente la plus longue et la plus angoissante : qu'on vous convoque pour verser la «première tranche», 10% du coût global du logement. Une fois délivré de tout ça, vous poussez un ouf de soulagement sans être tout à fait soulagé et vous remettez votre sort entre les mains de Dieu. Il y en a qui attendent depuis treize ans, sans doute parce qu'il doit y avoir beaucoup de Zoukh et de fils de Zoukh, depuis que l'Aadl a été inventée. Le wali d'Alger n'avait peut-être pas besoin qu'on lui explique comment ça marche. Il le sait puisqu'il a gardé le meilleur pour la fin pour s'en expliquer : «Il (son fils ndlr) a certes eu des facilitations, mais cela ne veut pas dire qu'il a volé. Je pouvais bien lui donner un logement social si j'en avais eu l'intention» ! Pédagogique en plus, Monsieur le wali : prendre un logement avec des «facilitations», ce n'est finalement pas un problème et «donner un logement social» à son fils est chose normale. On le savait. Pour revenir aux choses sérieuses, c'est-à-dire au rire, M. Zoukh nous dit que l'histoire de la carte de vote était une blague ! «Après avoir terminé une visite sur le terrain à Alger, je suis monté dans le bus avec des journalistes et je leur ai parlé de l'importance de sensibiliser sur les élections… Un journaliste m'a demandé : qu'en est-il des citoyens qui ne votent pas ? Et je lui ai répondu en plaisantant : celui qui ne vote pas n'aura pas de logement». Ah, bon ? On pensait que c'était sérieux, puisqu'il nous assurait que son fils avait «obtenu sa carte de vote à Alger» ? [email protected]