Le titre de Blida «capitale de l'industrie» aurait tendance à nous faire oublier que la ville des Roses est non seulement une zone industrielle mais aussi touristique avec ses superbes gorges de la Chiffa plus connues sous le nom du Ruisseau des singes, ses bains aux eaux bénéfiques de hammam Mélouane et hammam Righa mais surtout sa station d'hiver, Chréa dont les cimes majestueusesse dressent à 1550m d'altitude. La récente réouverture des télécabines menant de Blida à chréa a été l'occasion d'y faire une balade «téléaérienne», histoire de bien meubler cette journée de repos. Flambant neuve, la gare d'embarquement baptisée gare du 19 Juin limitrophe de la gare routière interwilayas de la ville est implantée juste au pied du mont de Chréa d'où démarrent les télécabines de couleur bleue et jaune tirées par un câble long de quatorze kilomètres. En cette journée printanière, la station d'embarquement grouille de monde. Jeunes et moins jeunes et grappes d'enfants accompagnés de leurs parents se bousculent pour emprunter le troisième plus long funiculaire du monde. Bien qu'un dispositif d'organisation ait été mis en place, les agents de la station sont submergés par l'afflux considérable des citoyens dans le hall. Un, deux puis trois et tout le monde se met à enjamber les barrières qui mènent au guichet de vente des tickets. «On se croirait dans un manège», a rétorqué un père de famille furieux contre les jeunes qui ne respectent pas la file. En sueur et avec beaucoup de peine, le chef de station arrive à faire respecter l'ordre de passage de chacun. Et va pour une balade suspendue Nous arrivons tant bien que mal à rejoindre notre embarcation. Une fois à l'intérieur des cabines, propres et confortables et non déçus de quitter le précédent vacarme, nous entamons notre «balade suspendue» longue de plus de 7140 m en aller simple vers le mont de Chréa. D'en haut, c'est une vue imprenable sur la ville des Roses blottie dans l'immense étendue de plaine de la Mitidja. Durant notre ascension, nous nous rappelons de ce qu'étaient les 134 anciennes télécabines de 8 places, construites en 1986 et qui ont cessé de fonctionner en 1994, saccagées durant la décennie noire. Plus de 14 km de fer et de câble devenus un tas de rouille et de ferraille qui viennent d'être remplacés. Grimpant à grande vitesse, nous arrivons à la station intermédiaire de Beni Ali en l'espace 13 minutes pour un parcours de 3997m. A terre, nous trouvons sur place Mohamed lbakalem, directeur général de l'Entreprise de transport urbain de Blida (ETUB), qui veille en personne à la mise en marche de la deuxième station reliant Beni Ali à celle de Chréa. Il nous brossera un tableau exhaustif de la fréquentation du site, depuis la mise en marche des télécabines. «Nos premières statistiques révèlent que depuis l'ouverture des trois stations le 29 janvier dernier jusqu'au 4 mars courant, nous avons enregistré plus de 82 000 passagers, soit un taux de remplissage d'environ 40», dira-t-il. Commentant ce flux, il ajoutera : «Nous disposons d'un total de 138 télécabines d'une capacité de 6 places chacune, dont 77 à partir de la gare d'embarquement à la station intermédiaire de Beni Ali et de 61 de celle-ci au terminus de Chréa. En somme, nous assurons le transport de quelque 908 voyageurs par heure.» Et d'ajouter : «Les jours d'affluence sont le lundi, le jeudi et bien sûr le vendredi où la foule est des plus dense. Le samedi est consacré à la révision et à la maintenance du matériel. Quant aux heures de service, elles débutent tôt le matin et ne sont interrompues que lorsque les agents des stations sont persuadés d'avoir réembarqué tous les usagers.» Ce moyen de locomotion profite certes aux touristes et vacanciers qui viennent profiter de la splendeur des lieux et prendre un bol d'air pur, mais il est surtout bénéfique aux habitants de la localité, notamment les travailleurs, les étudiants, et les écoliers. «Le téléphérique vient à nous comme une bénédiction, il nous permet de nous déplacer plus librement vers la ville à tout moment et surtout d'arriver à l'heure au travail», dira un habitant rencontré sur les lieux. «Je souhaite qu'il dure. Grâce à ce transport par câble, nous sortons enfin de l'anonymat», a renchéri un autre. Un transport des plus sûrs Le prix du ticket en ligne continue de Blida jusqu'au sommet est de 50 DA et de 30 DA en ligne discontinue de Blida à BeniAli ou de cette dernière au terminus. L'élaboration de cartes d'abonnement pour les usagers permanents est à l'étude à l'ETUB. S'agissant du coût de réalisation de la station dont le projet a été confié par l'entreprise du métro d'Alger (EMA) à la société française Pomagalsky, M. Bakalem dira : «Une enveloppe budgétaire de plus de 11 millions d'euros a été débloquée pour mener à terme les travaux de rénovation.» Qu'en est-il de l'aspect technique et préventif ? En matière de moyens humains, nous apprendrons que la direction a repris tous les cadres et techniciens disponibles qui opéraient au sein de l'ancienne station et procédé au recrutement de nouveaux ingénieurs. Concernant l'aspect technique, il nous est expliqué, que contrairement au téléphérique, les télécabines assurent le transport sans rupture de charge ni arrêt complet une fois sur les embarcadères où la vitesse est réduite à environ 0,27 m/s contre 5m/s à grande vitesse, afin de permettre aux voyageurs de monter et de descendre de la cabine en toute sécurité. Avant de quitter les quais, les portes des cabines se referment automatiquement à l'aide d'un système de pression qui ne s'ouvre qu'une fois arrivé dans les débarcadères. La vitesse de marche est réglée selon les vents. En cas de fortes rafales, elle est réduite à partir de la chambre de contrôle pour éviter d'éventuels balancements des véhicules suspendus. Aussi, en cas de coupure d'électricité, les stations disposent de groupes thermiques d'une autonomie de 12h afin d'assurer le rapatriement des clients. Bien évidemment durant les fortes intempéries, les funiculaires sont mis à l'arrêt pour éviter toute situation ingérable. A ce propos, le directeur général soulignera que son équipe procédera prochainement à une simulation de sauvetage avec la participation des éléments de la Protection civile. Nous réembarquons vers Chréa où il nous reste encore 3145m à parcourir, «volant» au-dessus des forêts abondantes de cèdres et de sapins. Le décor en vaut le détour. Nous apercevons des familles en pique-nique ici et là, sans toutefois trop s'enfoncer dans les bois. Mais ce qui attire particulièrement notre attention, c'est le trafic routier des plus fluide de la RN 37, reliant Blida à Chréa. Cette route à deux voies supportait dans un passé très récent quatre positions dont deux montantes vers Chréa. C'est dire l'afflux important que connaît la région particulièrement en saison hivernale. Plus nous grimpons et plus le paysage est, tout simplement, époustouflant, accueilli par un air très frais. Une destination rejointe en moins de 10 minutes. Un total de plus de 7140m effectué en moins de 25 minutes. Alors qu'il fallait deux bonnes heures auparavant pour atteindre le sommet, y compris pour un reportage, en serpentant les 19 km de route qui séparent le chef-lieu de wilaya de cette localité surélevée. Combler le manque de structures d'accueil Nous nous frayons un chemin au milieu de la foule qui devient de plus en plus dense. Des échoppes de fortune sont dressées le long de la route menant jusqu'à la piste de ski dénudée de neige. «Nous sommes pour le moins déçus, non pas parce qu'il n'y a plus beaucoup de neige, mais parce que nous croyions que les télésièges fonctionnaient aussi», nous ont dit Abdelhamid et Amine, deux jeunes venus d'une ville avoisinante. Effectivement nous remarquons sur place que les télésièges et téléskis n'ont pas été rénovés. Un jeune couple avec deux enfants réplique : «Nous sommes venus de bon matin de Staouéli pour profiter d'une journée en famille ici à Chréa. Finalement, il n'y a pas de lieu où nous pouvons nous asseoir confortablement pour manger ou siroter quelque chose de chaud, notamment pour les enfants qui ne supportent pas trop le froid et la faim.» Un autre père de famille nous lance : «Nous sommes venus d'Alger en voiture que nous avons laissée dans un parking à Blida pour emprunter le téléphérique. Une fois sur place, même avec notre argent nous ne pouvons pas acheter grand-chose, mis à part des cacahouètes ou de maigres mhadjeb qui me font craindre l'intoxication pour mes enfants.» En effet, un seul un restaurant niché dans un hôtel sert des repas, mais affiche complet, au grand désespoir des touristes. Un manque d'infrastructures d'accueil dont se plaignent les nombreuses personnes qui empruntent cette troisième plus longue télécabine pour se retrouver devant cette réalité amère. La sécurité des lieux assurée par les forces de sécurité et la réouverture de ces «véhicules volants» à la pointe de la technologie viennent redonner un souffle de vie nouveau à la localité de Chréa. Reste aux autorités locales d'afficher un minimum de volonté et de rigueur afin de combler le retard et rendre à Chréa sa place incontournable en matière de tourisme afin de séduire encore plus de visiteurs et de touristes potentiels.