La flambée des prix des produits de large consommation, qui s'est emparée depuis quelques semaines des marchés des fruits et légumes, a touché de plein fouet les établissements de la restauration. «Ne demandez plus de frites-omelette !». C'est là une réponse sèche d'un restaurateur à l'endroit d'un client qui vient de commander un plat frites-omelette «bien cuit». La scène se passe dans un restaurant à Dely Ibrahim. L'établissement est très fréquenté entre midi et treize heures par des fonctionnaires et des ouvriers travaillant dans les chantiers de construction qui pullulent dans cette commune de la banlieue algéroise. Le serveur s'explique : «Avant, nous achetions la pomme de terre en gros à 20 DA le kilo et nous proposions des plats frites-omelette, la dolma ou la purée à 80 DA. Depuis quelques jours, ce n'est plus possible». Logique. C'est que la pomme de terre se négocie actuellement entre 80 et 100 DA au détail dans les marchés des fruits et légumes. Dans les marchés de gros qui alimentent la première ville du pays, la pomme de terre de bonne qualité coûte jusqu'à 80 DA. Selon le serveur, il est pour le moment impossible de proposer aux clients des frites-omelettes au-dessous de 120 DA. «Dans ce cas, pourquoi ne pas commander un plat de viande (160 DA) ?», s'interroge le client déçu, mais avec ironie. A en croire notre interlocuteur, c'est le livreur de la patate qui a suspendu ses livraisons à cause de la flambée des prix. La plupart des restaurateurs sont alimentés en denrées alimentaires, surtout la pomme de terre, par des commerçants de gros. Ces derniers auraient préféré mettre leur activité de livraison entre parenthèses en attendant des jours meilleurs. En plus du boycott des livreurs, plusieurs restaurateurs ont préféré tout simplement éliminer quelques plats de leur menu quotidien. «Les premiers jours, nous avons joué le jeu en vendant à perte, mais cela ne peut plus durer», s'emporte un caissier dans un restaurant de la rue Tanger d'Alger-Centre. Selon lui, ce genre de crise dite de la pomme de terre survient de temps en temps, au gré des circonstances et «en tout cas, ce n'est pas la première fois que nous vivons une situation pareille», rappelle-t-il. Si les plats confectionnés essentiellement à base de pomme de terre ont momentanément disparu des restaurants, les autres mets ont été appauvris (lentilles, loubia,…) par manque de ce tubercule. Dans ces moments de crise, les établissements en question compensent leurs pertes par un menu varié . Par contre, les gargotiers ont subi de plein fouet les conséquences de la hausse des prix des principales denrées alimentaires. Pour s'adapter à cette nouvelle donne, ils jouent sur un double registre : la hausse des tarifs (entre 80 et 90 DA contre 60 et 70 DA précédemment) et une certaine tricherie sur le produit proposé à la clientèle. Au lieu des frites-omelettes habituels, par exemple, ils préparent des omelettes frites ! Et même les œufs sont chers ces jours-ci, avec 10 à 12 DA l'unité…