L'ancien moudjahid, Salah Ouzrourou, dit Si Salah, qui activait en tant que secrétaire puis intendant régional de secteur au sein de la quatrième région de la wilaya historique III, est l'un des rescapés des bombardements au napalm d'août 1960 dans la forêt de Boumehni (Tizi-Ouzou), qui se souvient de ce crime qu'il qualifie de "moment douloureux témoignant de l'atrocité du colonialisme français". C'est à Boumehni, aujourd'hui un village relevant de la commune de Ain Zaouïa, daïra de Draa El Mizan, que le groupe de Si Salah formé de sept éléments activait avec d'autres groupes de moudjahidine, et ce, au nez et à la barbe d'un important camp militaire français qui dominait toute cette localité forestière. Considéré comme une mémoire vivante de la guerre de libération nationale, le moudjahid avait rejoint le maquis dans son village natal d'Ath Hamsi, dans la commune d'Akbil (Ain El-Hammam), alors qu'il n'avait que 17 ans. Il porte à ce jour des cicatrices de balles et d'éclats d'obus et de grenades dans son corps. "Je porte des séquelles douloureuses qui témoignent de la barbarie coloniale", dit-il. "Après mon affectation à Boumehni, où je fus désigné intendant régional, nous avions, avec mes compagnons, commencé à mener nos missions de combat et d'approvisionnement des moudjahidine en denrées alimentaires et vestimentaires, avant que l'ennemi ne se rende compte un jour, en août 1960, de notre présence dans la forêt", raconte Si Salah. Au début d'une opération d'encerclement, l'ennemi avait fait face à une résistance farouche des combattants de l'ALN qui s'étaient repliés dans la forêt. "Ce jour-là, l'ennemi a déployé ses troupes terrestres autour de la forêt de Boumehni et fait appel aux renforts, une colonne de chars blindés et des avions B22 qui larguaient sur nous des roquettes et des fûts de napalm, et ce n'est qu'à la tombée de la nuit que nous réussissions à sortir de cet encerclement", se souvient-il, avec émotion. Au cours des bombardements, Si Salah et deux ses compagnons, Ameziane Slimane et Laârabi Ali, furent brûlés au napalm. "Presque un mois durant, nos bras et mains étaient restés levés à cause d'une douleur atroce lorsqu'ils sont en position baissée. On ne pouvait plus baisser nos bras et mains à cause de cette douleur causée par le napalm. Ce liquide à l'odeur nauséabonde s'était répandu sur nos têtes, cous, visages et mains", témoigne le septuagénaire. Les trois victimes se précipitaient alors vers un ruisseau pour mouiller le reste de leurs habits qu'ils posèrent ensuite sur les parties brûlées de leurs corps pour éteindre le feu causé par le napalm. "Les douleurs étaient atroces, nous dégagions des odeurs nauséabondes. Nos bras étaient devenus immobiles à tel point que nous étions incapables de tenir quoi que ce soit y compris nos pistolets automatiques", raconte encore cet ancien moudjahid, né le 6 octobre 1940 au village Ath Hamsi. "Les traces que je porte dans mon corps me rappellent souvent une douleur atroce et des moments cauchemardesques", dit-il. En raison de ces douleurs auxquelles s'ajoutait la crainte d'être arrêté vivant, "je ne pouvais pas m'empêcher de pleurer". Pourtant, le courage ne manquait pas à cet homme qui avait subi, à deux reprises, des blessures par balles et éclats d'obus lors d'accrochages avec les soldats français. Ce valeureux témoin de la Révolution se souvient aussi des souffrances et misères que ses camarades et compagnons d'armes avaient endurées après les évènements de Boumehni, ainsi que durant l'opération Jumelles, lancée par le général Challe en juillet 1959 pour anéantir la résistance dans la wilaya historique III. "Mais l'utilisation récurrente du napalm par l'armée française et l'opération Jumelles ne nous ont pas empêché de continuer notre combat pour la libération de notre pays, nous étions très déterminés à aller jusqu'au bout de notre noble mission", ajoute M. Ouzrourou, qui saisit cette occasion du 60eme anniversaire du déclenchement de la guerre de libération nationale pour rendre un vibrant hommage à tous ses compagnons d'armes et martyrs tombés au champ d'honneur.