Il fait beau mais ça ne sert pas à grand-chose. La terre est encore mouillée et à Aïn Defla comme à Mascara, on ne peut toujours pas cueillir la pomme de terre pour espérer la faire descendre du haut de ses 100 DA. Il fait beau et nous n'avons même pas peur pour les barrages, déjà pleins. On ne fait pas grand-chose de l'eau mais on va faire semblant de redouter la sécheresse «comme tout le monde». A-t-on le droit de bouder notre bonheur en pensant aux barrages ? Normalement oui. Mais notre bonheur est bien pris en charge et il fait beau, même dans un ciel depuis longtemps orphelin de sérénité. La terre est encore mouillée. Et alors ? La terre est mouillée, même en Suisse. Mais c'est à Alger qu'il y a le printemps en hiver. Hier, c'était mardi, on était censé travailler mais on a préféré se promener. Enfin, se promener est une façon de parler. Juste ne pas travailler parce que personne ne nous le demande. On a encore erré parce que c'est toujours interdit de marcher. En attendant le soir pour regarder la télé ou se shooter à Facebook. Personne ne nous demande d'attendre, on nous demande seulement de rester debout. C'est un peu difficile sous le soleil mais on ne peut pas tout avoir dans la vie, il ne faut pas «exagérer» ! Hier il a fait beau et si le ciel n'y trouve pas d'inconvénient, ça va continuer. Ça continue toujours. Et puis que voulez-vous qu'on fasse de la pluie ? Il y a du blé en Amérique du Nord et des vaches en Amérique du Sud. Le reste est une affaire de sous-sol. Nous avons le pétrole et maintenant le gaz de schiste. Nous avons même du soleil même si les deux sont inutiles, puisque ça ne donne que de mauvaises idées. Que voulez-vous qu'on fasse du soleil à part nous brûler le crâne en restant debout ? On ne fait rien du soleil, sinon prier qu'il s'efface quand il en fait trop. On ne fait rien de la pluie en dehors des inondations. On fait semblant d'avoir une agriculture et un élevage menacés par la sécheresse. Alors, on prie. De préférence après avoir consulté la météo. On ne va tout de même pas prier sans garantie de résultat, c'est connu. Et quand la pluie se met à tomber, on prie à nouveau pour qu'elle cesse. C'est ça le changement dans la continuité, n'est-ce pas ? Mais que voulez-vous qu'on fasse du changement ? Il faut continuer, il fait beau. On ne va pas travailler, on ne va pas se promener, mais c'est toujours «ça». Errer parce qu'on ne peut pas marcher. Ni sous la pluie ni sous le parapluie. Ni au soleil ni la tête dans les nuages. Que demande le peuple ? Rien, le peuple est un cauchemar qui disparaît avant le réveil. On dort trop mais pas assez pour souhaiter se réveiller. Les matins sont une invention de l'esprit. Les après-midi une somnolence chronique et les soirs une création du diable. Nous respectons les saisons parce qu'il n'y pas de saisons. Plusieurs dans une journée. Un été indien de temps en temps, un hiver rigoureux quand Dieu est en colère et un printemps avorté tous les demi-siècles. On fait quoi maintenant ? On n'en sait rien, personne n'a lu «En attendant Godot». On fait semblant. D'attendre ? Non, de tout. D'être malheureux, d'être heureux, de vivre, de mourir et parfois de rire. De nous-mêmes, des autres et du rire. On est déjà mercredi, on fait semblant de se réveiller, il fait toujours beau. On a déjà oublié que la terre est encore mouillée, et la pomme de terre problématique. Il va certainement pleuvoir dans les prochains jours mais ce n'est pas important. On ne sait rien faire de la pluie, on ne sait rien faire du soleil. Le temps peut changer, on se repose un peu de n'avoir rien fait. Demain, nous recommencerons.