Alors que le procureur général s'est opposé au report de l'affaire Sonatrach 1 dont la première audience s'est tenue hier à la Cour d'Alger, les avocats de la défense ont insisté sur le report du procès. Dans une salle pleine, dix-neuf accusés, dont 12 incarcérés depuis cinq ans, et 7 sous mandat de dépôt, ont été présentés devant le procureur. Il est à signaler que l'audience a été suspendue à plusieurs reprises durant la journée. Le procureur général a déclaré devant les avocats et les accusés qu'il est inconcevable d'annuler l'audience sous prétexte que l'affaire est suivie depuis longtemps par la presse, estimant que cela n'est pas du tout une raison pour que la justice n'accomplisse pas sa mission qui est celle de trancher équitablement. Les avocats de la défense qui ont insisté sur le report du procès relatif à la corruption et à la dilapidation des biens publics, ont indiqué que les conditions de se prononcer sur une telle affaire ne sont pas réunies. Ils ont affirmé que certains de leurs clients ne sont pas aptes à être jugés dans de telles conditions, ajoutant que le rôle joué par la presse dans cette affaire est prématuré. Maître Mustapha Bouchachi a souligné que le Trésor public ne peut pas être présenté en tant que partie civile dans ce dossier, estimant que cela est contraire à la loi. Amine Benkrouda, avocat de l'accusé Belkacem Boumediene, a soulevé le fait que la présence du Trésor public au conseil judiciaire comme partie civile est contraire à ce que dicte la loi algérienne bien qu'il se soit déjà présenté dans l'autre affaire avec la même qualité. Le même avocat a déploré que les principaux accusés ne se soient pas présentés, trouvant que les conditions ne sont pas propices pour continuer l'audience, contrairement à ce que prétend le procureur général. Pour sa part, l'avocat Chaïb Sadek a indiqué que la crédibilité du verdict se mesurera sur la base du droit de défense, estimant que les conditions du jugement ne sont pas idéales, trouvant qu'il est légitime de remettre en question le jugement qui n'est pas fait dans des contions douteuses. Il a dit que le report du procès serait en premier lieu au profit des clients et il est également une manière de mettre plus de lumière sur ce dossier. «Si la presse est un instrument de lutte contre la corruption, il n'est pas question de mettre en doute les procédures judiciaires et seule la justice peut trancher une affaire aussi sensible», a-t-il ajouté. Sur un ton de colère, maître Miloud Brahimi a fait savoir qu'il y a une atteinte à la justice algérienne lorsque le Trésor public, qui a le statut d'institution publique, soit présenté comme partie civile dans beaucoup d'affaires de corruption. Après l'insistance des avocats, notamment de Khaled Bourayou et de Chiat sur la présentation des témoins, le juge a fini par céder à cette exigence. Si Me Sellini a demandé la vérification de la présence des témoins, de son côté, Me Chiat a demandé carrément le report du procès vu l'absence des principaux témoins, notamment l'ancien ministre de l'Energie, Chakib Khelil, et Farid Bedjaoui. D'autres avocats, tels Miloud Brahimi et Mokrane Aït Larbi, ont mis l'accent sur le cas des accusés qui se trouvent en prison depuis cinq ans alors que d'autres sont libres. Après la présentation des 108 témoins, dont l'ex-PDG de Sonatrach, Abdelmadjid Zerguine, et Saïd Sahnoun, actuel PDG par intérim, les avocats ont relevé l'absence d'une quarantaine d'autres. Pour Me Bourayou, «il n'est pas possible de continuer le procès avec l'absence de 38 témoins». Quatre entreprises étrangères impliquées Il est à noter que quatre entreprises étrangères sont impliquées dans cette affaire de corruption. Ces entreprises sont accusées d'avoir bénéficié frauduleusement de marchés publics auprès de Sonatrach. Huit directeurs exécutifs de Sonatrach, dont Amar Zenasni, responsable du transport par pipeline, et le directeur des activités amont, Belkacem Boumediene, sont dans le box des accusés pour leurs accointances avec ces quatre sociétés étrangères. Pour rappel, les prévenus sont accusés d'association de malfaiteurs, passation de marchés contraires à la loi pour accorder des privilèges injustifiés à des tiers, blanchiment d'argent, fausses factures dans des contrats avec une entreprise publique, détournement de deniers publics et corruption. Selon l'arrêt de renvoi, les faits concernent cinq marchés frauduleux d'une valeur de 1100 milliards de centimes accordés par l'ex-PDG de Sonatrach, Mohamed Meziane, au groupe allemand Contel Algérie Funkwerk Pletarc dans le cadre d'un projet d'acquisition d'équipements de télésurveillance et de protection électronique des complexes du groupe national à travers le pays. Toujours selon l'arrêt de renvoi, le groupe Sonatrach a conclu un marché frauduleux avec Saipem Algeria (entreprise italienne) pour la réalisation du gazoduc liant l'Algérie à l'Italie (Sardaigne). Un autre dossier concernant le marché de réfection de l'immeuble de Sonatrach, situé au boulevard Ghermoul, attribué frauduleusement à l'entreprise allemande IMTECH sera traité durant ce procès. En fin d'après-midi, le juge tenait à la poursuite du procès alors que la plupart des avocats exigeaient son report. Face à l'intransigeance des avocats de la défense et le soutien de ceux de la partie civile, le juge a décidé du report du procès à la prochaine session criminelle.