Jacques Myard fait partie de la délégation de députés français qui se sont récemment déplacés à Damas, en Syrie, soulevant un véritable tollé au sein de la classe politique française. La polémique entretenue par ceux qui refusent d'associer le président syrien démocratiquement élu, Bachar Al Assad, à toute solution au dossier syrien, ce député UMP décortique, dans cet entretien, la récente déclaration du secrétaire d'Etat américain, John Kerry, et répond au ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius. Le Temps d'Algérie : Le secrétaire d'Etat américain a déclaré que finalement, il faudrait dialoguer avec le président Bachar Al Assad pour la paix en Syrie. Comment avez-vous accueilli cette déclaration ? Jacques Myard : Pour moi, ce n'est pas une surprise lorsque plusieurs experts savent que les Américains ont établi des contacts avec la Syrie. La France a été en retard dans ce domaine. Vous savez, ils disaient tantôt que Bachar Al Assad allait tomber avant Noël et tantôt qu'il allait chuter dans quatre mois. La guerre terrible éclatée en Syrie dure depuis maintenant quatre ans et Bachar Al Assad est toujours là. Il fallait se poser des questions car il doit y avoir une raison et la raison est que qu'Al Assad est incontournable et il contrôle une bonne partie de la Syrie. Les Américains ont fait preuve de réalisme. Ils agissent en connaissance de terrain et c'est ce qui explique la déclaration de John Kerry. Le président Bachar Al Assad doit donc être associé à toute solution en Syrie, contrairement aux appels faits par certains politiques ? Pour trouver une solution politique à la Syrie, Bachar Al Assad est un élément incontournable. Les Américains l'ont compris et ils établissent des contacts avec ce pays. La France est en retard concernant ce dossier.
Certains ont posé le préalable du départ du président syrien avant l'entame de tout dialogue… Ceux qui ont posé ce préalable ont tort et ne connaissent pas la réalité du terrain syrien.La preuve est que le président syrien est toujours en poste quatre ans après l'éclatement de cette terrible guerre et qu'il contrôle une bonne partie de la Syrie, tandis que ces gens prédisaient avec insistance sa chute dans quelques mois après le déclenchement de cette guerre. Je dirais même que si le président Bachar Al Assad tombe, la Syrie et le Liban sombreront dans le chaos. Il est difficile, voire impossible d'envisager une solution pour la Syrie sans l'actuel président.
Laurent Fabius a déclaré aujourd'hui dans l'après-midi (hier, ndlr) que «négocier avec Al Assad est un cadeau à l'EI». Qu'en pensez-vous ? Je suis extrêmement surpris par cette déclaration. L'Etat syrien a commis des fautes, certes, mais pas seulement lui. L'Etat islamique (EI/Daech) a été créé par les Américains, mais il n'a pas été créé par Bachar Al Assad. La France pourrait-elle prendre ses distances vis-à-vis de la politique américaine ? La France n'est pas indépendante concernant sa politique étrangère qui ne dépend pas des Etats-Unis mais de l'Union européenne, alors que nos intérêts ne sont pas les mêmes que ceux de l'Allemagne ou de la Pologne. La France a tort de lier sa politique étrangère à celle d'autres pays de l'Union européenne car les intérêts ne sont pas les mêmes. Nous avons nos intérêts dans le bassin méditerranéen, au Moyen-Orient et ailleurs et nous devons penser à nos intérêts et non à ceux de l'UE. Je dis encore une fois que Bachar Al Assad est incontournable pour toute solution politique en Syrie. Le conflit militaire ne peut être remporté ni par l'Etat syrien ni par les organisations armées. Rappelez-vous que la France considérait le FLN comme organisation terroriste. Pourtant, De Gaulle et Pompidou se sont rencontrés autour de la même table pour négocier. C'est la même chose pour Bachar Al Assad qui est considéré comme «terroriste» par certains qui finiront par ne pas trouver d'autre solution que de dialoguer avec lui. Comment les terroristes, dont ceux de Daech et d'Al Qaïda, arrivent-ils à accéder en terre syrienne ? Je me pose de sérieuses questions à ce sujet, tout en notant que ces terroristes passent principalement par la Turquie avec une facilité qui incite à se poser plusieurs questions.