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«Le Yémen risque de devenir le tombeau du projet wahhabite, takfiri, générateur d'intégrisme et de terrorisme»
Majed Nehmé, directeur du magazine français Afrique Asie, au Temps d'Algérie :
Publié dans Le Temps d'Algérie le 29 - 03 - 2015

Le Temps d'Algérie : L'Arabie saoudite mène une agression caractérisée contre le peuple yéménite. Par quoi cette agression est-elle motivée?

Majed Nehmé : Il s'agit bel et bien d'une agression caractérisée, d'une violation flagrante du droit international, même si les Etats-Unis et certains pays occidentaux la soutiennent. Car quelle que soit l'évolution du conflit interyéménite, l'Arabie saoudite, ses supplétifs et ses obligés, ne sont pas habilités à y intervenir. Le Conseil de sécurité de l'Onu n'a pas donné son feu vert et le royaume wahhabite n'était pas en situation d'auto-défense. Plusieurs pays membres de l'Onu, comme les deux membres permanents du Conseil de sécurité, la Chine et la Russie, ont condamné implicitement cette agression. C'est notamment le cas de l'Algérie, de l'Irak, de l'Iran et de la Syrie qui ont appelé à l'arrêt des bombardements et à la reprise du dialogue inter-yéménite.
Il faut noter d'ailleurs que les Etats-Unis, tout en apportant une aide logistique et de renseignement, n'ont pas participé directement à cette opération pompeusement baptisée «Tempête de la fermeté». Les Saoudiens, premiers acheteurs d'armes sur le plan mondial, n'en sont pas à leur coup d'essai. Ils s'imaginent devenir une grande puissance. L'Arabie saoudite avait déjà dépêché un contingent militaire au Bahreïn au début de la contestation populaire dans cet archipel gouverné par une dynastie despotique et corrompue pour empêcher sa chute. En même temps, elle a injecté des milliards de dollars en Syrie et en Irak pour aider au renversement des régimes qu'elle considère comme inféodés à l'Iran. Avec le fiasco que l'on sait. Le ministre saoudien des Affaires étrangères, Saoud al-Fayçal, est allé jusqu'à dire que la Syrie, l'Irak et le Yémen sont occupés par l'Iran.
C'est à l'ambassadeur saoudien à Washington, Adel Jubayr, qu'est revenue la mission de justifier cette opération. Elle viserait, selon ses propres termes, à «défendre le gouvernement légitime du Yémen et à empêcher le mouvement radical houthi de prendre le contrôle du pays». C'est du pur mensonge.
Car ce ne sont pas les Houthis qui essayent de contrôler le pays. Le fer de lance des troupes qui se sont emparées de l'aéroport d'Aden, ce ne sont pas les combattants houthis pseudo-chiites, mais une grande partie de l'armée régulière yéménite qui est restée fidèle à l'ancien président déchu Ali Abdallah Saleh. Une armée qui avait, il y a quelques années, combattu férocement les rebelles houthis. Ali Abdallah Saleh avait très mal pris la trahison des Saoudiens et cherche à reprendre sa revanche. L'avancée conjuguée des Houthis et des militaires fidèles à l'ancien président, majoritairement issus de la communauté sunnite et de la confédération tribale Hached, a semé la panique dans les hauts cercles des dirigeants saoudiens.
Il faut rappeler que l'ancien président Saleh était, pendant trois décennies, l'allié dévoué des Saoudiens. Il avait accepté de signer avec eux un traité avalisant l'annexion par l'Arabie saoudite de trois provinces yéménites (Najran, Jizan et Assir) en 1934. Il se considère comme poignardé dans le dos et mal récompensé. En fait, les dirigeants saoudiens avaient paniqué devant la tournure dangereuse que prenait la situation dans ce pays, dont le fondateur du royaume, le roi Abdelaziz Ibn Saoud, n'avait cessé de mettre en garde ses fils du danger mortel que le Yémen pouvait représenter pour la survie de la dynastie.
En intervenant de cette manière intempestive et irréfléchie, les héritiers d'Ibn Saoud se lancent dans un bourbier dont ils auront du mal à sortir. La stabilité du royaume pourrait être durablement affectée. Cela ressemble à un piège grossier. Les Américains, au moment où ils s'apprêtent à signer un accord stratégique avec leur ennemi héréditaire, l'Iran, se frottent les mains. Les Saoudiens auront besoin d'eux plus que jamais et leur marge d'autonomie, déjà réduite, risque de devenir nulle.

Pour quelles raisons d'autres pays ont suivi l'Arabie saoudite dans cette agression ?
Officiellement, l'Arabie saoudite conduit une coalition hétéroclite de pays satellites, supplétifs et obligés. Sans oublier la Ligue des Etats arabes et l'Organisation de la coopération islamique qui sont devenues des dépendances de l'Arabie saoudite. En faisant une analyse plus fine de cette coalition d'opérette, on comprend aisément pourquoi cet assemblage de forces, plus théorique qu'effectif, ne changera rien à l'évolution anti-saoudienne du Yémen.
Sur les six pays membres du Conseil de coopération du Golfe, on remarquera un absent de marque : le Sultanat d'Oman.
La participation des autres émirats est folklorique. A cela, il faut mentionner la participation de la Jordanie et du Maroc, deux monarchies qui espèrent être récompensées généreusement par les pétromonarchies pour remplir leurs caisses vides. Le Soudan, qui a déjà du mal à juguler les divers mouvements rebelles à l'intérieur de ses frontières, n'apportera qu'un soutien verbal. Quant au Pakistan, il est embourbé dans des conflits armés et a du mal à en finir avec ses propres mouvements terroristes. Son implication dans le conflit yéménite va donc aggraver ses difficultés internes. Reste enfin l'Egypte.
Ce pays a une expérience douloureuse avec le Yémen. Nasser y avait dépêché en 1962 un corps expéditionnaire pour aider la jeune révolution républicaine. Il sera combattu par les Saoudiens qui aidaient à l'époque les monarchistes zaydites, donc chiites, contre les républicains sunnites. Il faut être vraiment dépourvu de toute mémoire historique pour imaginer l'armée égyptienne revenir au Yémen combattre côte à côte avec les Saoudiens qu'ils avaient combattus dans les années 1960. Nasser devait se retourner dans sa tombe.

Cette agression ne sert-elle pas les intérêts d'Al Qaïda, organisation terroriste combattue pendant des années par les Houthis?
Sans aucun doute. Cela explique en quelque sorte le soutien réservé des Américains. Le Yémen est le berceau de la famille Ben Laden. Al Qaïda et consorts y sont fortement implantés. Il est donc de l'intérêt des Saoudiens, après ce baroud d'honneur, d'accepter de revenir sur la table des négociations. Mais d'ores et déjà, tout compromis sera forcément en leur défaveur. L'Iran et ses alliés en seront les grands bénéficiaires.

En soutenant le terrorisme contre la Syrie, et en agressant le Yémen, l'Arabie saoudite ne se met-elle pas «hors-la-loi» vis-à-vis du droit international ? Les dirigeants saoudiens ne devraient-ils pas être inculpés par le Tribunal pénal international (TPI) ?
Malheureusement, le droit international est foulé aux pieds tous les jours en Palestine, au Sahara occidental, en Irak, en Syrie, en Ukraine… Tant que l'Arabie saoudite reste, selon l'expression d'un ancien ambassadeur français à Riyad, une «dictature protégée», la dynastie saoudienne continuera à être protégée par les Américains. Comme c'est le cas avec Israël qui continue à bafouer impunément le droit international en Palestine depuis 1948. C'est le cas aussi du Maroc qui occupe le Sahara occidental depuis 1975 sans être inquiété par la mal nommée communauté internationale. Mais il s'agit d'une impunité apparente, car le rapport de force actuel risque de ne pas durer. Le Yémen, berceau des Arabes, risque de devenir le tombeau du projet wahhabite, takfiri, générateur d'intégrisme et de terrorisme.

Comment voyez-vous la suite des événements au Yémen ?
En cherchant à enterrer la hache de guerre avec l'Iran et en repensant son alliance avec Israël, les Etats-Unis ont mis leur protégé wahhabite dans tous ses états. Cette évolution du parrain américain intervient après les échecs essuyés en Syrie et en Irak. Le saut du royaume saoudien dans l'inconnu yéménite est symptomatique d'un pouvoir anachronique et au bout du rouleau, qui a longtemps cru que sa survie ne pourrait être assurée que par la destruction de ses adversaires supposés : l'Egypte nassérienne, l'Irak de Saddam, puis l'Irak de Maliki, la Syrie des Assad, la Libye de Kadhafi… En essayant de rééditer la même stratégie avec l'Iran, il s'est cassé les dents. A moins d'un improbable sursaut de lucidité, il court à sa perte. Une perte somme toute salutaire.
Entretien réalisé par


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