Rien ne va plus au nouvel hôpital 240 lits de Skikda. Pour preuve, une journée de protestation a été observée, la semaine dernière, par 24 médecins spécialistes. Ce sont les malades qui ont en pâti car, hormis les cas urgents, la plupart des patients ont été repoussés vers la porte de sortie. Parmi ces derniers, la présidente de l'association des cancéreux. Elle rapporte ces faits suivants : «J'avais pris rendez-vous ce jour-là pour une séance d'échographie, un cas urgent. Deux autres cancéreuses, qui n'avaient pas de rendez-vous celles-ci, ont été aussi priées de revenir un autre jour». Pour dénoncer cet état de fait, l'association Russicada de lutte contre le cancer a rédigé un communiqué adressé aux autorités compétentes. Rencontrés sur les lieux de la contestation, dans l'étage de l'établissement hospitalier opérationnel depuis 15 mois, les médecins spécialistes ont manifesté leur colère quant à l'humiliation dont ils font l'objet de la part de l'administration. «On veut que la dignité du médecin ne soit pas bafouée. Nous voulons un peu plus de considération», diront en chœur les contestataires qui revendiquent également «le respect de la dignité du médecin, l'application des procès-verbaux du conseil médical, l'installation du conseil d'administration et l'application du droit à l'hébergement dans le cadre du service civil du médecin spécialiste». Des conditions de travail contraignantes Le problème de restauration n'est pas en reste. «Le réfectoire ne nous est ouvert qu'en fonction d'un programme établi par l'administration. Quand le nom d'un médecin spécialiste n'y figure pas, c'est le chef-cuisinier qui se charge de lui faire comprendre de quitter les lieux», nous dira l'un d'eux. Un deuxième explique interrogatif : «Trouvez-vous logique qu'il nous faut quitter le lieu de travail pour prendre notre déjeuner hors de l'hôpital ? Ce n'est pas une administration». Tranchant, un troisième dira «nous avons convenu d'un commun accord de ne pas prendre notre déjeuner sur place pour faire comprendre que la bouffe n'est pas notre cheval de bataille». Les contestataires dénoncent les conditions de travail, affirmant qu'il y a «des spécialistes sans services pour exercer leurs fonctions». Actuellement, seuls trois services sont opérationnels depuis l'ouverture de l'établissement il y a de cela 15 mois, en l'occurrence l'urologie, l'orthopédie-traumatologie et l'ophtalmologie. «Nous avons adressé, par le biais du conseil médical, une liste de propositions dont l'objectif est la séparation des services et l'amélioration des conditions de travail mais en vain. Il y a aussi le problème, toujours pendant, de la non-installation du conseil d'administration relevant des prérogatives du directeur de la santé et de la population», explique-t-on. «Le mode de travail ne donne l'impression d'être ni dans un établissement EH, EPH, ni dans une clinique privée ou étatique. Le travail, pour ne pas dire l'esclavagisme, c'est tout», renchérit, ironique, un spécialiste. « Seuls le logement et la restauration… » La prise en charge des malades demeure également aléatoire aux yeux d'un spécialiste. «Pour preuve, vous avez en mémoire la mort d'une personne ayant fait la navette entre les deux hôpitaux de la ville. Elle est décédée car n'ayant pas été prise en charge dans les délais requis et du fait de la mauvaise répartition des tâches entre les deux établissements». «En vérité, ils n'ont que deux vraies préoccupations, la restauration et le logement», nous dit le directeur général de l'EH, Touati Lounès. «La loi nous interdit de donner à manger aux médecins. Concernant l'hébergement, 15 logements à caractère social locatif nous ont été accordés par l'OPGI à la cité 95 logements de Zeramna. 3 d'entre eux seront attribués à un cadre adjoint au sein de l'établissement, au médecin réanimateur et à un spécialiste en ORL dans le cas où ce dernier serait détaché à la wilaya de Skikda qui en est dépourvue à ce jour. Les 12 autres ont été accordés à douze médecins spécialistes en fonction. Ces derniers ont demandé leur ameublement, ce qui est contraire à la loi compte tenu que l'opération sera prise en charge sur le fonds du budget de l'hôpital. Mieux que cela, nous avons signé une convention avec l'OPGI qui stipule que l'entrée en vigueur du payement du loyer intervient à compter de la date d'occupation du logement». Abondant dans le même sens, le DSP dira ceci : « Avec ou sans conseil d'administration, les médecins sont censés faire leur travail. C'est de notre ressort et nous avons pris les mesures qui s'imposent, nous attendons l'approbation de la tutelle». Au sujet de la réorganisation des deux structures, il nous rassure : «C'est une question de temps, le dossier est au ministère de tutelle. Notre proposition est la suivante : faire de l'EH un pôle chirurgical et de l'EPH une structure des services médicaux». En dépit de cette tension, l'EH a enregistré depuis son ouverture 1772 interventions chirurgicales dont près de 70% relevant de l'urgence. «La majorité sont des actes d'opération bénins, les spécialistes n'ont rien innové», précise le DSP.