C'est aujourd'hui le bac. Pour des milliers de lycéens algériens, c'est assurément un grand jour. Que voulez-vous, l'érosion subie par ce prestigieux examen n'est pas encore venue à bout de toutes les sensations qu'il procure. Il est quand même des choses contre lesquelles l'incurie des responsables ne peut rien, en dépit de sa persévérante ténacité. Du «prestigieux» examen dont on a souvent dit de manière un peu trop péremptoire qu'il est la «clé de l'avenir», il ne reste qu'un ersatz laminé dans tous ses angles. En termes de savoir, il est déjà heureux que ses lauréats sachent encore lire et écrire. En termes de perspectives professionnelles, il n'entretient presque plus aucune illusion. Enfin, en termes de promotion sociale, il fait rire face à ce que propose la table de cigarettes ou le bout de parking sauvage. D'année en année, le bac se dévalorise à mesure que sont revues à la baisse les ambitions pédagogiques et sociales tracées à une école depuis longtemps déjà installée dans la banqueroute. C'est pour tenter de faire oublier tout ça, c'est-à-dire l'essentiel, que ceux qui sont aux affaires - avec ou sans jeu de mots - de l'éducation nationale reviennent à l'orée de chaque été nous faire prendre des vessies pour des lanternes. En ergotant sur les chiffes et quelques redondances. Le nombre de candidats d'abord, qu'on prend le soin de détailler comme si chaque «précision» était une éclatante performance. Puis le nombre de centres d'examen, de surveillants, de correcteurs… Arrivent enfin les «conditions de déroulement des épreuves» qui sont évidemment toujours «idéales». Il fallait écouter la nouvelle ministre de l'Education avertir contre la triche pour comprendre où on en est. Il fallait aussi entendre ce brave haut fonctionnaire du ministère de l'Education clamer que «les épreuves seront à portée de l'élève moyen, porteront sur des sujets étudiés en classe ! Des sujets pas très difficiles à» !! Mais il y a eu mieux, c'est-à-dire pire. N'a-t-on pas entendu l'année dernière un autre responsable se «féliciter» de l'augmentation du nombre de candidats malvoyants ou encore de candidats… prisonniers ? Au terme d'une année éprouvante où même le minimum formel a été problématique, des milliers de lycéens vont aujourd'hui passer un examen qui ne détermine plus aucun destin comme on le disait avant. Ils ne sont déjà pas très rassurés quant à leur avenir en le passant avec succès, alors on imagine le sort des recalés. Il n'est déjà pas très évident de le réussir dans des conditions normales. Alors on imagine l'angoisse des candidats cette année. Quasiment un trimestre de grève des enseignants, des professeurs qui manquaient dès le départ dans beaucoup de matières essentielles, des cours de rattrapage qui ont été rarement assurés, un compact disque comme panacée à tous les errements de l'année scolaire… On ne peut pas vraiment dire que le bac va se dérouler dans les meilleures conditions, cette année. Encore heureux qu'on évite le pire, quand l'émeute gagnait les centres d'examen, quand les couteaux étaient tirés pour pouvoir «copier» ou quand les… parents voulaient investir la rue pour avoir des épreuves «moins difficiles». Habitués des satisfactions au rabais, c'est déjà ça de nous éviter ce spectacle. Sinon, le bac reste le bac.