Que peut faire et surtout dire un justiciable victime d'un drôle de phénomène qui s'est tout permis dans la rue... Mais à la barre, non là là... Il était tout simplement absent ! A Blida tous les mercredis, il y a beaucoup de justiciables qui se pressent dans la salle d'audience où les magistrats s'éclinent à liquider les différends où, pour ce mois de mars 2009, il y a beaucoup d'affaires de coups et blessures volontaires et souvent, réciproques. Mohamed el Akhdar W. la quarantaine dépassée est debout face à Sofia Ouhida, la présidente qui s'occupe d'un inculpé absent coupable d'agression et aujourd'hui loin du procès. Il va donc ainsi être jugé par défaut et permettre à la victime de se défendre sans contradicteur. Il est vrai que la juge est tenue de juger après deux renvois. Il est rare qu'elle aille au-delà. «Victime, que s'est-il passé ? Et s'il vous plaît allez à l'essentiel, le tribunal a horreur de perdre du temps. Alors ?» Articule, les yeux grands ouverts, le ton haut et ferme, la magistrate. Et comme il arrive souvent, la victime regarde sur sa gauche et dit en direction de Denni, le jeune procureur : «Monsieur le président, il est venu dans notre quartier, le matin de...» «Victime, ce jeune monsieur est le procureur. Adressez-vous au tribunal d'accord ?», coupe la présidente qui est parfois, comme tous les magistrats du siège, obligée d'attirer l'attention des justiciables non initiés aux us et coutumes des tribunaux. La victime reprend, presque pressé d'en finir, ému qu'il était de relater les faits. Il parle de provocation : «Il a commencé par vociférer contre un voisin. Ce qui n'était pas mon problème dans un premier temps. Mais, tout a pris d'autres dimensions lorsque ce Mustapha a commencé par lancer des gros mots et des grossieretés impossibles à répéter». «Vous a-t-il insulté vous, au milieu de cette tempête d'injures ?» demande la juge qui avait pris soin de redresser son foulard rouge au-dessus de son crâne. - «Dans un premier temps ? non, ce n'est après que je me sois avancé vers lui pour le ramener à la raison et l'inviter à plus de mesure dans sa colère, qu'il s'est carrément retourné contre moi», répond sans ponctuation la victime. - «Qu'avez-vous répondu ? Que lui aviez-vous fait surtout ? insiste Ouhida qui s'attendait un peu à la réponse : «Rien sauf le rappel à l'ordre. Ensuite, il m'a agressé, couvert d'injures jusqu'à l'arrivée de la police.» «Et au poste, que s'est-il passé» ? lance enfin la présidente qui venait de parcourir une dizaine de lignes sur le P.V. «Il est pénible de vous le dire : il est devenu un autre. Il s'est fait tout petit, on dirait que c'était moi l'inculpé. On nous a entendus tous les deux, les policiers ont su qu'on ne disait pas la vérité, et aujourd'hui, il n'est même pas venu s'expliquer.», regrette presque Mohamed el Akhdar D. qui prendra date du verdict dans huit jours, un verdict qui sera prononcé par défaut, ce qui veut dire qu'il aura un autre procès à condition que Mustapha fasse opposition. D'ici là.