Aux yeux des pharmaciens d'officine, la revalorisation de la marge bénéficiaire relève de l'urgence et ce, pour éviter les dérives et préserver la qualité de l'acte pharmaceutique. Mais, face à la baisse des revenus de ces professionnels de la santé, le risque de les voir recourir à des pratiques illicites pour réaliser des gains n'est pas à écarter. Rencontré hier en marge de la 2e et dernière journée des "rencontres internationales de pharmacie d'Alger" organisées par le Conseil de l'Ordre des pharmaciens d'Alger à l'hôtel El Aurassi, Lotfi Benbahmed, président de ce conseil, a conditionné l'acte pharmaceutique de qualité par la garantie d'un revenu acceptable pour les pharmaciens d'officine. Dans beaucoup de pays, dit-il, on réfléchit à rémunérer le pharmacien sur son acte et pas uniquement par le prélèvement d'une marge bénéficiaire sur le médicament qu'il vend. La revalorisation des marges n'induira pas une hausse des prix des produits pharmaceutiques, estime notre interlocuteur, qui explique que la négociation des prix se fait en amont, c'est-à-dire à l'enregistrement. Le risque d'une hausse des prix des médicaments est écarté également avec la mise en place des tarifs de référence. Donc, une marge bénéficiaire convenable pour le pharmacien ne va pas pénaliser le malade. Bien au contraire, explique M. Benbahmed, "si on décide d'une marge égale à celle des princeps en termes de forfait par boîte, on encouragera le générique et, de manière globale, on réduira les dépenses de la sécurité sociale". Selon Lotfi Benbahmed, les pharmaciens algériens perçoivent la marge bénéficiaire la plus faible par rapport aux voisins méditerranéens. Au Maroc et en Tunisie, elle représente le double de celle des pharmaciens algériens. Des revenus ridicules Actuellement, "nous avons quatre niveau de marge élaborées sur la base du prix d'achat". En outre, ces marges n'ont pas changé depuis une dizaine d'années, ce qui a pénalisé les pharmaciens en raison de la dévaluation du dinar. Selon les études réalisées par l'Ordre des pharmaciens d'Alger, cette marge est en moyenne de 22% sur le prix d'achat, représentant une moyenne de 18% sur le prix de vente. Avec une moyenne de 10 à 12% de charges à payer, le pharmacien ne gagne en définitive qu'entre 5 à 6% avant de s'acquitter de ses impôts. Ses revenus sont moindres si son officine se situe dans un milieu rural ou dans une zone reculée et déshéritée. C'est l'une des principales raisons qui poussent certains pharmaciens en difficulté à des pratiques illicites, telles la vente de médicaments sans ordonnance, l'association avec des hommes d'affaires, voire la location de leurs diplômes, dans certains cas. Suite à l'élaboration des tarifs de référence, explique M. Benbahmed, "nous n'avons plus besoin d'un système de marges", du fait que les médicaments sont remboursés sur la base des prix du générique le moins cher. Notre interlocuteur se dit par contre favorable à une marge se situant aux alentours de 30% du prix d'achat des médicaments, ce qui signifie une marge moyenne de 28% sur les prix de vente. Les bonnes pratiques de l'officine Le ministère de la Santé qui prône la promotion du générique gagnerait à revaloriser la marge bénéficiaire des pharmaciens, ajoute-t-il, expliquant que "dans certains pays européens, on applique une marge de 30% sur le princeps, un taux égal à celui accordé pour les génériques". Donc, quel que soit le générique vendu, le pharmacien percevrait la même marge bénéficiaire et le pharmacien aura intérêt à vendre du générique en raison de la facilité de sa procuration, tout en étant rassuré de réaliser les mêmes revenus "comme s'il avait commercialisé les princeps". D'autres mécanismes pour promouvoir le générique peuvent être mis en place pour garantir la réussite de la politique engagée par le ministère de la Santé. Sur un autre registre, M. Benbahmed estime que "pour pouvoir appliquer les bonnes pratiques de l'officine, stocker les médicaments dans de bonnes conditions, avoir un local conforme aux normes, avoir une équipe officinale de niveau, il est nécessaire de garantir aux pharmaciens de bonnes conditions, notamment à travers une rémunération suffisante". Et d'ajouter : "Le pharmacien est un praticien médical, pas un commerçant. Il ne peut ni faire des soldes ni décider des prix à pratiquer, tout comme il doit détenir des milliers de produits, même ceux qui sont très peu demandés." Le président du Conseil de l'Ordre des pharmaciens pense que le pharmacien algérien est également pénalisé par le système de distribution en raison des multiples ruptures d'approvisionnement : "Contrairement à d'autres pays où les pharmaciens peuvent faire plusieurs commandes par jour sans avoir besoin de détenir un stock, en Algérie, par contre, le pharmacien est obligé d'avoir un stock de deux à trois mois à cause de ces ruptures", conclut-il.