Les usagers du transport urbain, notamment privé, vivent le calvaire au quotidien. Les chauffeurs ne ménagent aucun moyen pour imposer leur diktat dans le but de préserver leurs intérêts et gagner plus d'argent. Les multiples lacunes qui rongent les transports urbains sont d'ordre organisationnel, matériel et même relationnel. Le comportement de certains chauffeurs ou de receveurs qui n'en font qu'à leur tête, le non-respect des citoyens et du code de la route, le défaut d'uniforme... Et la liste des dépassements est encore longue. Ainsi, prendre le bus est le cauchemar de tous les Algériens qui n'ont pas le luxe de se déplacer en voiture. Le matin, ils ont beau se réveiller tôt, hâter le pas pour arriver à l'heure au travail, le transport ne leur facilite guère la tâche. Ils sont contraints d'attendre le bon vouloir des conducteurs, qui ne démarrent qu'une fois le bus archicomble. «Les bus démarrent et s'arrêtent à leur guise sans aucune considération pour les horaires. Ils travaillent comme bon leur semble. A cause d'eux, on arrive en retard au boulot. On est obligé de hurler de bon matin pour qu'ils daignent démarrer», s'alarme un passager rencontré à l'agence de bus de Ben Aknoun. «Nous sommes transportés comme des sardines. Les receveurs ne respectent pas le nombre limité qu'un bus peut supporter. C'est un calvaire, surtout l'été, on étouffe», déplore un sexagénaire, ajoutant : «Ce que je ne comprends pas, c'est que bien que le bus est plein à craquer, le conducteur fait quand même des arrêts pour faire monter encore du monde. On nous voit comme des pièces de monnaie. Plus ils font monter de gens, plus ils gagnent de l'argent au détriment de notre bien-être.» Arrêts et itinéraires ne sont pas respectés Outre ces anomalies, les chauffeurs ne respectent pas les arrêts définis dans le cahier des charges. «Tous les matins, je prends le bus qui fait la ligne Draria-Ben Aknoun, mais à cause des embouteillages, la majorité des passagers préfèrent descendre à Aïn Allah et continuer le chemin à pied. Pour le reste des voyageurs, le conducteur les oblige parfois à descendre afin de rebrousser chemin vers la station de bus», dénonce un autre passager. Même constat du côté des transporteurs de la ligne Bouzaréah-Chevalley-El Biar, qui font subir un supplice quotidien aux usagers. Ces derniers sont soumis aux conditions imposées par les chauffeurs. Un voyageur qui prend le bus urbain à partir de Bouzareah pour aller vers El Biar est d'abord contraint d'attendre plus de 30 minutes à la station jusqu'à ce que le bus soit gorgé d'un magma humain, selon la volonté du chauffeur. Une fois arrivé au premier arrêt dans le lotissement de Chevalley, soit à quelques kilomètres du point de départ, le chauffeur ne se contente pas de marquer un arrêt avant de reprendre la route, il gare carrément son véhicule. Ensuite, sans se soucier des voyageurs, il attend parfois plus d'une heure pour «remplir» une seconde fois son bus. Aucune excuse, ni raison n'est avancée aux voyageurs qui, obligés d'arriver à destination dans les temps, descendent pour prendre un autre bus et donc payer une seconde fois. Ainsi les chauffeurs auront encaissé deux fois le prix d'un seul trajet. …Pas de bus le week-end Les femmes dans ce marasme sont contraintes d'attendre un bus vide pour monter en toute dignité. «Ils nous obligent à être collés, femmes et hommes sans aucune pudeur pour transporter le maximum de personnes», s'offusque une dame, en soupirant : «La seule solution pour nous est d'attendre l'arrivée d'un bus vide pour trouver une place assise, ce qui s'avère difficile durant les heures de pointe.» La situation est pire pour les usagers durant les week-ends. Les bus se font rares et les conducteurs prennent tout leur temps avant de démarrer. «Il n'y pas de bus le week-end. Les quelques chauffeurs en service tardent à démarrer, ils veulent faire monter le maximum de monde. Ce qui n'est pas possible quand la plupart des citoyens ne travaillent pas», a indiqué une passagère, journaliste, qui connaît chaque week-end des difficultés pour se rendre à son travail. Les transporteurs sont astreints à des permanences le week-end, mais ces dernières ne sont plus assurées sérieusement. Pour leur part, les conducteurs et les receveurs estiment qu'ils n'ont pas le choix. «Je dois faire en sorte que le bus soit plein avant de démarrer, c'est mon travail», rétorque un receveur. «Nous ne pouvons pas faire des allers et retours avec des bus à moitié vides, car notre recette sera très maigre en fin de journée», ajoute-il. «On aura travaillé pour peu, nous n'avons pas de salaire fixe. Ce dernier dépend du nombre de personnes transportées dans le mois», explique un conducteur de bus activant dans le domaine depuis 5 ans. Interrogés, des jeunes qui activaient dans le domaine, affirment que les receveurs et les conducteurs perçoivent des salaires fixes comptabilisés sur le nombre de places assises. «Ils entassent les voyageurs par dizaines pour empocher des bonus à la fin du mois, en plus de leurs rémunérations», ont-ils confié. «Les usagers ont le droit de se plaindre» Interrogé sur cette situation, un cadre du secteur des transports qui a souhaité garder l'anonymat, affirme que les citoyens ont le droit de se plaindre auprès de la direction des transports de la wilaya et de la police. «Les usagers peuvent relever le numéro d'immatriculation du transport et déposer plainte auprès des autorités concernées», a-t-il indiqué, ajoutant qu'une commission est chargée d'étudier les dossiers de plainte et de sanctionner par la suite le conducteur. Pour notre interlocuteur, les autorités ne veulent pas intervenir car cette situation est «voulue». Toutefois, poursuit-il, «les responsables du secteur projettent de mettre fin à l'activité anarchique des bus privés».