«Etat des lieux de la santé mentale dans la wilaya de Tizi-Ouzou», c'est le thème du séminaire tenu au niveau de l'hémicycle Aïssat-Rabah de l'APW, organisé par l'Association des amis et parents de malades mentaux «Yasmine», en étroite collaboration avec l'APW. La rencontre qui a débuté avant-hier et pris fin hier, a été l'occasion pour les spécialistes en psychiatrie de dénoncer le manque flagrant de praticiens pour la prise en charge efficiente des malades mentaux de la région, mais aussi l'insuffisance d'infrastructures hospitalières spécialisées en psychiatrie. Une situation qui fait que ces malades sont livrés à eux-mêmes, voire «clochardisés» ces dernières années. Les psychiatres étaient unanimes pour exiger la création d'institutions psychosociales pour insérer le malade mental au sein de la société et l'accompagner au-delà des infrastructures hospitalières. Selon le Dr Mahmoud Boudarène, psychiatre et docteur en sciences biomédicales, le nombre de personnes ayant des troubles mentaux est en nette augmentation dans la wilaya. Il a dénombré 11 000 schizophrènes auxquels s'ajoutent 11 000 personnes présentant des troubles bipolaires, 1200 autistes et 240 000 personnes ayant des troubles anxieux. Soit 27% de la population de la wilaya touchés diversement par des troubles psychiques. Il affirmera également que près de 21% des élèves scolarisés, tous paliers confondus, présentent des troubles mentaux. Le même spécialiste estime que la violence sociale, l'humiliation, la précarité sociale, en l'occurrence le chômage, sont parmi les causes principales de la prolifération de cette pathologie. Le Dr Boudarène remet en cause non seulement le manque d'infrastructures hospitalières pour la prise en charge des malades, mais aussi la gestion «effrayante» des établissements de santé existants qui ne répondent à aucune norme internationale d'accompagnement des patients. Il citera le cas de l'Etablissement hospitalier spécialisé en psychiatrie (EHS), Fernane-Hanafi d'Oued Aïssi, de 350 lits où le taux d'occupation est de 100%, sans pour autant répondre à la demande locale. 8 centres intermédiaires de santé mentale existent au niveau de la wilaya, alors qu'il faudrait un CISM au niveau de chaque daïra pour absorber le flux de patients qui se rendent massivement dans les établissements de santé pour des soins de proximité», a-t-il déploré. Absence de psychothérapie institutionnelle Le même psychiatre dénonce l'absence de psychothérapie institutionnelle au niveau des Etablissements hospitaliers spécialisés (EHS) dont le rôle est de préparer le malade ayant des troubles mentaux à s'insérer au sein de la société. Il cite l'EHS d'Oued Aïssi qui enregistre un manque flagrant d'éducateurs spécialisés et d'assistantes sociales, pour assurer l'accompagnement thérapeutique des patients. «Il est essentiel de motiver le personnel pour initier des activités qui visent à l'insertion sociale du malade mental (culture, travaux agricoles, musique...) Il ne faut pas se limiter de mettre à la disposition des malades leur traitement, il faut aussi rendre cette institution vivante en lui attribuant un rôle dynamique». Le Dr Boudarène appelle les responsables de cet EHS à suivre l'exemple des établissements psychiatriques des pays occidentaux où le malade mental contribue efficacement au développement de l'économie nationale de son pays. «Arrêtons de marginaliser ce malade», a-t-il clamé. Le Dr Amirèche, psychiatre également, interpelle de son côté les autorités locales afin de trouver une issue favorable au problème du manque de praticiens dans les EHS en psychiatrie. Il plaide pour la réouverture du service de psychiatrie du Centre hospitalo-universitaire Mohamed-Nedir, afin de désengorger les autres institutions psychiatriques de proximité. Le SG de la wilaya qui a pris part aux travaux de ce séminaire a souligné, au nom du premier magistrat de la wilaya, que les autorités locales s'apprêtent à prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer une meilleure prise en charge de cette catégorie de la société. «Nous allons déployer tous nos efforts pour une meilleure prise en charge de ces patients.»