Les années 1930 ont été élégamment convoquées en cette belle et douce matinée de samedi 27 novembre sur la mythique place Gueydon de Béjaïa. Les habitants furent agréablement surpris par le défilé de nombreux hommes et femmes en costumes d'époque. Robes glamour courtes en mousseline de soie, chapeaux cloches et souliers à grosses barrettes avec talons en bobine, colliers de perles et petits sacs pour les femmes ; vestes en tweed portées sur gilet, cravate papillon, bretelles, pantalon large à gros ourlet en toile claire, chaussures en cuir marron ou cognac et chapeau de paille pour les hommes. Cette sympathique présentation de mode était en fait un plateau de tournage du film Zeus racontant l'exil en Algérie de l'ancien président portugais Manuel Texeira Gomes, qui a vécu à Béjaïa de septembre 1931 jusqu'à sa mort en octobre 1941. Zeus est, en effet, le nom du cargo à bord duquel a embarqué, le 17 décembre 1925, l'ancien président portugais et non moins écrivain Texeira Gomes du port de Lisbonne, au Portugal, pour se rendre en Afrique du Nord dont il a visité quelques villes avant de s'établir définitivement en septembre 1931 à Béjaïa où il a élu domicile à l'hôtel de l'Etoile, sur la place Gueydon, dans la fameuse chambre 13. Président et homme de lettres Le film, dont l'histoire se déroule au Portugal et en Algérie, retracera l'itinéraire de cet illustre homme de lettres, né à Portimao (Portugal) et élevé dans une famille qui a prospéré dans le négoce des figues sèches dont il a fait lui-même un métier parallèlement à l'écriture. Epris d'art et de littérature, celui qui deviendra président du Portugal, en octobre 1923, avant de démissionner le 11 décembre 1925, est l'auteur d'une riche œuvre écrite dans un style particulièrement naturaliste. La beauté des paysages méditerranéens ont été au cœur de toute l'œuvre de cet esthète et infatigable voyageur qui n'est, malheureusement, connu chez nous que pour sa courte carrière politique. Son recueil de nouvelles Novelas Eroticas (Nouvelles érotiques), que la critique présente comme une prose sensuelle et épurée, décline l'esprit supérieur de l'auteur qui se moque des conventions cléricales. C'est ce volet du personnage épris de liberté que tentera de reproduire le réalisateur portugais Paulo Filipe Monteiro pendant quatre semaines encore, non sans restituer les réalités algériennes sous le joug colonial. «Je suis ici pour le tournage de la partie algérienne qui est la plus importante du film», nous dira le jeune cinéaste entre deux tours de manivelle sur la terrasse du café le Richelieu. Outre le décor de la fameuse chambre n° 13, les scènes seront tournées essentiellement au café Richelieu, au théâtre de la ville ainsi qu'à la Poste qui se trouvent tous dans un rayon de cent mètres du lieu de résidence du célèbre hôte de la capitale des Hamadites, lequel, en raison d'une santé en déclin - il était arrivé à Bougie à 71 ans - limitait ses sorties à ces endroits-là. Le personnage de Manuel Texeira Gomes sera campé par l'acteur portugais Sinde Filipe, alors que plein de figurants et quelques acteurs comme Amokrane, le majordome kabyle de l'ex-président portugais, sont issus de la ville de Béjaïa.