Plus de 20 personnes interpellées et 37 blessées, c'est le bilan d'un mouvement de grève mené hier par les travailleurs de la Société nationale des véhicules industriels (SNVI) de Rouiba. Ces derniers, qui réclamaient le virement de leur salaire et le sauvetage de l'entreprise, réfutent tout lien du mouvement avec l'adoption de la loi de finances 2016. Plusieurs centaines de travailleurs sont sortis, hier, crier leur ras-le-bol quant à la situation «dégradante» qui prévaut au sein de l'une des plus grandes entreprises nationales des véhicules industriels. Les grévistes qui ont tenté dans un premier temps de «discuter» avec le PDG de l'ex-Sonacome, sans succès, ont fini par fermer la route qui relie la zone industrielle à la ville de Rouiba. Quelques instants plus tard la situation dégénère. Les protestataires ont été, en effet, «repoussés violemment» par un important dispositif sécuritaire déployé sur les lieux. Les éléments de la Gendarmerie nationale ont été «appelés» par la direction de l'entreprise pour repousser les travailleurs vers l'intérieur de l'entreprise, a-t-on appris des grévistes. «Nous avons été insultés et repoussés sauvagement par les forces de l'ordre», témoignent de nombreux travailleurs rencontrés sur place. Les éléments de la GN ont interpellé, a-t-on également appris, une vingtaine de travailleurs dont certains se trouvaient à l'intérieur même de la SNVI. Les forces de l'ordre se sont même introduits dans l'enceinte de l'entreprise et ont jeté des bombes lacrymogènes à l'intérieur du centre de montage d'autobus où se trouvaient plusieurs travailleurs. Au moins 37 d'entre eux ont été blessés lors de cette intervention musclée, nous révèle-t-on à l'infirmerie de l'entreprise. A notre arrivée sur les lieux investis par les gendarmes, les travailleurs étaient encore sous le choc. «Nous n'avons rien fait pour mériter cette répression», nous déclarent-ils en chœur. «Lorsque nous avons demandé de rencontrer le PDG et lui exposer nos craintes et doléances, nous avons été violemment repoussés», témoignent les travailleurs «Acheter notre silence» A notre question de savoir qui a été à l'origine de ce débordement, les travailleurs rencontrés quelques instants seulement après l'intervention des gendarmes racontent avoir eu pour objectif de «dénoncer le non-virement de notre dernier salaire, en sus de la privatisation et le bradage de cette entreprise qui nourrit plus de 3000 pères et mères de famille». Les travailleurs de la SNVI assurent que l'entreprise ne «produit plus». «Depuis le début de l'investissement algéro-germano-émirati, nous avons perdu la majorité de nos marchés en faveur des Allemands. Le marché des véhicules militaires par exemple que nous devions produire nous a été finalement retiré», regrette un syndicaliste. Les grévistes révèlent, ensuite, ne pas avoir travaillé au moins depuis deux ans. «Ils nous virent nos salaires souvent avec plusieurs jours de retard. Mais là n'est pas le pire. Nous ne faisons pratiquement rien à l'intérieur des ateliers puisqu'il n'y a pas de travail», nous ont fait savoir les employés de la société. «Il faut dire que l'entreprise est dans un état désastreux à tous les niveaux», affirme un administrateur rencontré hier. Plusieurs milliards de dinars ont été versés pour le redressement de l'entreprise. Sa situation reste inchangée. Interrogés sur leur silence pendant toute cette période, les employés déclarent avoir soulevé ce problème aux responsables concernés mais en vain. «Ils nous accordent des crédits à la consommation en un temps record juste pour acheter notre silence», révèlent-ils encore. La loi de finances 2016 «n'est pas le motif de la grève» Les travailleurs nous assurent, en outre, que la loi de finances 2016, votée lundi, «n'a rien à voir avec notre grève». Ils insistent, en effet, sur le fait qu'ils ne sont pas à l'usine «pour faire de la politique ni pour créer des embrouilles». Ils répètent sans cesse que seul l'avenir de l'entreprise les intéresse. «Tout ce que nous demandons c'est que notre entreprise ne connaisse pas la faillite.» Du côté de l'administration, c'est le silence radio. Toutes nos tentatives d'interroger le PDG ou la directrice de la SNVI ont échoué. Les travailleurs comptent, disaient-ils, «maintenir leur mouvement de grève pour les jours à venir».