Après l'exclusion du député de Béjaïa, Djamel Ferdjellah, la direction nationale du RCD a suspendu récemment deux autres députés, Ali Brahimi de Bouira et Tarik Mira de Béjaïa. Les deux parlementaires occupaient des postes au niveau du secrétariat national du parti depuis 12 longues années. Ali Brahim avait dénoncé entre autres la décision du RCD de hisser le drapeau noir sur le fronton du siège national du parti. Le 5 mars 2009, Ali Brahimi, membre du secrétariat national du RCD, avait adressé une lettre à Saïd Sadi pour lui demander de le décharger de ses responsabilités. «Dans la suite de ma lettre de début janvier où je vous demandais de me libérer de la fonction de formation, j'ai l'honneur de vous demander de bien vouloir enregistrer mon souhait de me retirer du secrétariat national», écrivit le député de Bouira. «Considérant malhonnête sinon hypocrite de ne pas vous motiver ma présente, je vous dirai qu'il m'est difficile de poursuivre ma mission de secrétaire national sans connaître sa totalité ni les prérogatives qu'elle implique», a expliqué l'ancien dirigeant du RCD. Depuis l'envoi cette missive, nous raconte une source proche du RCD, Ali Brahimi était dans le collimateur de la direction du parti qui surveillait de près son comportement, ses propos et ses agissements. Déjà en avril dernier, Ali Brahimi avait adressé à Saïd Sadi une lettre intitulée «Situation du parti et du pays», dans laquelle il remettait en cause la décision de son parti de geler ses activités politiques pendant la campagne électorale du dernier scrutin présidentiel. «Je pense pour ma part, comme beaucoup d'autres militants, que nous avons parasité notre position par un mot d'ordre confus et difficile à comprendre et expliquer. Il s'agit du mot d'ordre de gel des activités officielles du RCD. Je le considère personnellement comme une erreur», a écrit l'ancien dirigeant du RCD. La confusion découle, selon lui, du fait que ce mot d'ordre a été perçu comme un substitut au boycott. M. Brahimi dénonce, à cette occasion, l'attitude de P/APC du RCD qui ont supervisé les préparatifs des meetings de la coalition dans leurs communes ou qui ont affecté des bus aux partisans du candidat Bouteflika. Revenant à l'affaire du drapeau noir hissé sur le fronton du siège national du RCD, M. Brahimi a demandé à la direction du parti de l'enlever et de remettre l'emblème national à sa place. La mesure, selon l'ancien dirigeant du RCD, devait être levée pour au moins trois raisons : le drapeau national incarne la Nation et l'Etat et non le pouvoir, la mesure n'est pas acceptée par la majorité du peuple algérien, l'initiative est en porte-à-faux avec une disposition légale qui édicte que le drapeau national doit être déployé sur toute institution officielle. Ali Brahimi interdit de séjour politique dans sa wilaya Le 29 avril 2009, le secrétaire national à l'organisation du RCD, Rabah Boucetta, adresse une lettre à M. Brahimi lui rappelant son refus d'être programmé dans les activités du parti «dans une période particulièrement difficile» : «Auparavant, vous vous étiez adonné à des comportements et propos condamnables en dehors des cadres statutaires» (…) «Vous approchiez vos camarades députés les uns après les autres pour les inviter à se «protéger» du parti. Tour à tour, M. Besbes recevra la recommandation de se méfier d'un parti auquel il ne devait rien dès lors que, selon vous, sa réputation était déjà établie en tant que syndicaliste. M. Khendek sera invité à «ouvrir les yeux et se démarquer du groupe de M. Lounaouci» dans lequel vous l'aviez alors catalogué. Plus récemment, vous entreprenez d'informer, en cachette, le député Mazouz à qui vous apprenez que le groupe parlementaire s'apprêtait à discuter de ses absences juste avant qu'il n'arrive (…) «, accuse le responsable du parti de Saïd Sadi. Et d'ajouter : «Lors du séminaire sur l'abolition de la peine de mort, vous adoptez un discours qui occulte le parti dans la préparation et la paternité du dossier, conduite qui a indigné les militants et qui vous a été reprochée par nombre de vos collègues députés». Dans son réquisitoire, M. Boucetta accuse le député de Bouira d'avoir tenu à Akbou, en compagnie de Tarik Mira, un discours infondé et mensonger sur la gestion du parti. «Il est de votre droit de demander à être déchargé des fonctions que vous a assignées la direction, il est plus discutable de refuser de participer aux activités de notre parti dans des périodes exceptionnellement dures pour le Rassemblement», rappelle M. Boucetta. «Je vous informe qu'en attendant de voir l'évolution de votre comportement et conduite dans le collectif militant, le bureau régional de Bouira a été informé de ne pas vous associer aux activités du parti et que, si vous persistez dans les mêmes attitudes, les dispositions statutaires vous seront appliquées comme elles l'ont été par le passé pour d'autres individus», conclut-il. Une machine à marginalisation et à exclusion Ecœuré par les termes de la lettre qu'il reçoit de la direction de son parti, Ali Brahimi ne tarde pas à répondre à ses détracteurs. Dans une lettre adressée au secrétaire national à l'organisation, il dénonce d'emblée la censure, par le site Internet du RCD, de ses interventions lors des débats à l'APN. «Cette censure-manipulation qui au demeurant inhibe, voile et jugule la fougue et les prouesses de maints autres cadres, témoigne d'une démarche occulte de configuration forcée des profils médiatico-politiques des dirigeants du parti au détriment de coopérations ou de collaborations solidaires», dénonce M. Brahimi. «J'ai l'étrange impression en lisant et relisant votre lettre que les ouï-dire tiennent lieu de chefs d'accusation. Le but de cette campagne orchestrée de toutes pièces est clair : créer une illusion d'»ennemi intérieur» afin de susciter un patriotisme de parti autour de l'appareil dans une conjoncture particulière. C'est aussi la mise en place d'une ambiance préparant l'opinion militante à des décisions ultimes contre certains camarades jugés atteints de déloyauté dès lors qu'ils ont osé douter de la justesse des décisions de la direction», accuse le député de Bouira. Réagissant à la décision de la direction de ne pas l'associer aux activités du parti, M. Brahimi affirmé que le châtiment qui le frappe est un aveu condensé de l'arbitraire dont il est victime. «L'objectif politique est clair : me faire renoncer à mes droits élémentaires à l'intérieur du parti, ceux-là mêmes que je dénie au système en place le droit de m'interdire. On peut solliciter des rapports, inventer des faits, bref fabriquer des dossiers, rien pourtant ne résistera à l'épreuve de la vérité et de l'histoire. Des fonctionnements de cette nature finissent toujours par péricliter après avoir fait des tas de victimes et des fois emporté dans leur chute leurs propres concepteurs et promoteurs», écrit M. Brahimi. Et de s'interroger : «Serais-je donc destiné à être cette autre victime expiatoire - une de plus ! - de cette folle machine à marginalisation et à exclusion, celle-là qui décime nos rangs plus que toutes les formes de répression et d'oppression du pouvoir en place?»