La tension entre la Russie et la Turquie reste toujours en vigueur depuis qu'Ankara a abattu un chasseur russe à la frontière syrienne. La Turquie espère toujours pouvoir trouver une issue au «conflit» par la voie du dialogue mais se prépare déjà à d'autres «alternatives» au cas où la Russie met à exécution ses menaces et déciderait de lui «couper» le gaz et le pétrole. Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, a assuré hier que son pays allait trouver d'autres fournisseurs d'énergie que la Russie en raison des fortes tensions entre les deux pays depuis qu'Ankara a abattu un avion militaire russe à la frontière syrienne. «Il est possible de trouver d'autres fournisseurs», a déclaré M. Erdogan lors d'un discours télévisé, faisant référence à l'Azerbaïdjan et au Qatar notamment. La Russie est le principal fournisseur d'énergie de la Turquie, à qui elle livre 55% de ses besoins en gaz et 30% de ceux en pétrole. Ankara importe 90,5% de son pétrole et 98,5% de son gaz naturel. La Turquie et la Russie traversent une grave crise déclenchée par la destruction d'un bombardier russe par l'aviation turque à la frontière syrienne le 24 novembre. Ankara affirme que le bombardier russe a violé son espace aérien, ce que Moscou dément. Furieuse, la Russie a ordonné des sanctions économiques contre la Turquie, notamment un embargo sur les importations de fruits et légumes turcs, et rétabli les visas pour les citoyens turcs à partir du 1er janvier prochain. M. Erdogan a assuré hier qu'il n'y avait pour l'heure «aucun signe» que ces représailles affectent le secteur de l'énergie mais a confirmé avoir signé cette semaine avec le Qatar un accord pour la livraison de gaz de pétrole liquéfié. La Russie a aussi annoncé cette semaine le gel du projet de gazoduc TurkStream, qui devait permettre d'acheminer le gaz russe jusqu'en Europe via le territoire turc, en contournant l'Ukraine. Le chef de l'Etat turc a qualifié cette annonce de «mensonge». «TurkStream est un projet sur lequel nous avons nous-mêmes tiré un trait depuis un moment parce que (la Russie) ne répondait pas à nos exigences», a-t-il assuré. Mercredi, Moscou avait accusé nommément le président turc Recep Tayyip Erdogan et sa famille de profiter de la contrebande de pétrole à laquelle se livre l'organisation Etat islamique (EI) en Syrie. Le président Erdogan avait réagi en dénonçant des «accusations immorales» de la Russie et mis en cause en retour la supposée complicité de Moscou dans ce trafic. «Nous devons continuer à parler» Sur le plan diplomatique, le ministre des Affaires étrangères turc revient une fois à la charge et appelle les Russes à la raison. Mevlut Cavusoglu a en effet lancé, hier, un appel au dialogue avec la Russie, afin de dissiper les tensions apparues entre les deux pays. «Bien sûr, nous avons des points de vue différents mais nous devons continuer à parler afin de réduire nos divergences», a déclaré Mevlut Cavusoglu, cité par l'agence progouvernementale Anatolie. Le ministre parlait lors d'un petit déjeuner organisé pour les citoyens russes vivant à Antalya, sa ville d'origine dans le sud de la Turquie, qui est une destination touristique populaire pour les Russes. Jeudi, M. Cavusoglu a rencontré son homologue russe Sergueï Lavrov à Belgrade, lors du premier contact à haut niveau entre les deux pays depuis la destruction de l'avion. «J'ai eu un entretien très fructueux avec mon ami Sergueï Lavrov», a souligné samedi M. Cavusoglu. «Nous avons abordé tous les sujets dans une atmosphère positive», a-t-il ajouté. Le ministre turc a mis en garde contre des nouvelles «inexactes» circulant, selon lui, en Russie. «Le moment est venu où les problèmes sont résolus mais les graines de la discorde que vous avez semées peuvent rester pour longtemps. C'est pourquoi tout le monde doit agir de manière responsable», a-t-il affirmé, s'adressant aux Russes.