Jamais la région de Aïn El Hammam n'a vu autant de monde que lors de cette journée de vendredi. Des centaines de milliers d'individus ont déferlé hier vers ce hameau perché à quelque 1000 mètres d'altitude pour accompagner Si L'Hocine à sa dernière demeure. Les funérailles de Hocine Aït Ahmed étaient à la hauteur de l'homme qui a sacrifié sa vie au service de l'Algérie. C'est dans une ambiance particulière, lourde et chargée d'émotion que l'enterrement a eu lieu. Un sentiment de tristesse et de fierté a gagné les habitants de la région. On a toute les peines du monde à organiser une foule constituée de centaines de milliers de citoyens, venus rendre hommage au dernier père de la nation. Le cortège du Premier ministre, Abdelmalek Sellal, a été hué et empêché d'accéder au lieudit Thissirth n'Chikh où a été exposée la dépouille du héros de la cause nationale. Même les dirigeants du FFS et les amis du défunt, dont Mouloud Hamrouche, ont trouvé toutes les difficultés du monde pour arriver au cimetière. Tout le monde a voulu s'approcher le plus possible de la dépouille mortelle pour rendre un dernier hommage à cet homme fédérateur, chose qui n'était évidemment pas possible tellement la foule était nombreuse. D'une voix brisée par le chagrin, le préposé à l'accueil tient tout de même à consoler cette foule agglutinée face au chapiteau réservé à l'accueil de la dépouille de Hocine Aït Ahmed, dressé au lieudit Thissirth n'Chikh, à quelque dix kilomètres du village Ath Ahmed où a été enterré le défunt. «Aujourd'hui, c'est un jour pas comme les autres. Aït Ahmed revient chez lui et vous êtes tous ici pour l'accompagner à sa dernière demeure. Alors faisons en sorte de lui réserver le meilleur accueil», a-t-il lancé à l'aide d'un amplificateur de voix sous les applaudissements des présents. Venus des quatre coins du pays, nombreux sont ceux qui ont dû continuer leur pèlerinage à une dizaine, voire une quinzaine de kilomètres, à pied pour certains, pour atteindre la colline de Taqa, qui surplombe le hameau des Ath Ahmed où repose désormais en paix le digne héritier de Chikh Mohand Ou L'Hocine. Seuls les véhicules qui transportaient des groupes ou des personnalités nationales étaient autorisés à monter jusqu'à ce lieu. Pour les autres, les plus chanceux avaient pris des bus. Un enterrement à la hauteur de l'homme Pour accueillir tout ce beau monde, une esplanade où étaient implantés des chapiteaux et des tentes de la Protection civile et du Croissant-Rouge algérien a été aménagée à cet effet. Une fois au niveau de l'esplanade, le comité d'organisation invitait, à l'aide d'un haut-parleur, les citoyens à ne pas se bousculer et à l'aider à mettre de l'ordre. A 8h15, la grande place de Thissirth n'Chikh est déjà noire de monde. Une aire de jeu a été aménagée pour la circonstance en grand espace pour recevoir la dépouille de Hocine Aït Ahmed avant sa mise en terre à environ deux kilomètres du village qui a vu naître, il y a 89 ans, celui qui a émis le vœu d'être enterré dans la tombe de sa mère décédée en 1983, alors qu'il était en exil. La tombe a été ouverte dans la nuit du jeudi par les membres de la famille dans l'intimité. Hier à 6h du matin, lors de notre visite sur les lieux, on s'affairait encore à préparer la tombe adossée au mausolée de Cheikh Mohand Oulhocine et on procédait au nettoyage de la cour où devait être accueilli le cercueil du défunt dans l'après-midi, dans l'intimité familiale. C'est d'ailleurs pour cette raison que la famille du défunt a invité l'ensemble des citoyens à ne pas se rendre sur les lieux lors de l'acheminement de la dépouille depuis le chapiteau de Thissirth n'Chikh. Lieu qui n'arrivait plus à contenir les centaines de milliers de personnes qui y affluaient dès l'aube. A pied et par petits groupes, des centaines de personnes marchaient depuis Ath Hichem, à la sortie du chef-lieu de la commune d'Aït Yahia, pour rejoindre le lieu tant recherché. De Beni Ourtilane à Sétif, d'Ighil Ali à Béjaïa, d'Iflissen à Tigzirt et de Mchedellah à Bouira, ils ont passé la nuit dans leurs voitures garées juste à l'entrée d'Aït Yahia rien que pour ne pas rater l'événement. Sur tous ces chemins qui montent, des bénévoles proposaient de l'eau et de la nourriture pour pouvoir tenir jusqu'au bout du périple. Tous les chemins mènent à Thissirth n'Chikh A 10h, la place de Thissirth n'Chikh est comble. On n'a jamais vu autant de monde dans un enterrement dans la région, affirment des personnes présentes. Malgré l'éloignement et l'annonce de la retransmission en direct de l'événement sur le petit écran, on continuait encore à affluer vers les lieux où il n'y avait aucune place de libre. Les plus téméraires jouaient des coudes pour se frayer un chemin entre les barrières de sécurité surveillées par les vigiles du FFS sous le regard attentif des policiers. Après qu'une minute de silence ait été observée, la prière du vendredi accomplie, l'imam a demandé à ce que la prière du mort soit également faite sur place. Même si des slogans anti-pouvoir ont été scandés à l'arrivée des officiels, notamment du Premier ministre Abdelmalek Sellal, la cérémonie s'est déroulée sans aucun incident majeur. Désormais donc, Hocine Aït Ahmed repose avec sa mère à Ath Ahmed. Hafid Mesbah et Ali Chebli