La demande formulée par le Parlement libyen reconnu par la communauté internationale de réviser à la baisse le nombre de portefeuilles ministériels du gouvernement d'union nationale suscite moult interrogations parmi les populations libyennes, toujours en quête de paix, de sécurité et de stabilité. Formée conformément à l'esprit de l'accord politique signé sous les auspices de l'ONU, y compris par le Parlement siégeant à Tobrouk (reconnu), la composante du nouvel exécutif compte 32 ministres. Il représente en effet, selon le Conseil présidentiel de Libye, toutes les composantes de la société libyenne à même de permettre à tous de contribuer à la gestion des affaires du pays, en proie à une crise politique et sécuritaire depuis la chute, en 2011, de l'ancien régime de Mouammar Kadhafi. Le Conseil présidentiel dirigé par Faiz Serradj, qui n'a pas réagi jusque-là à la sortie inattendue du Parlement de Tobrouk, devrait, selon le délai accordé, présenter un nouveau staff gouvernemental avec un nombre de ministres inférieur à 32 postes. Cependant, de l'avis des observateurs, qui n'écartent pas des manœuvres actionnées par le gouvernement et le Parlement de Tobrouk, Faiz Serradj et ses collaborateurs ne parviendront pas à proposer un cabinet d'union nationale resserré en raison du temps que prendront des nouvelles consultations. Une telle situation, indique-t-on, pourrait porter un coup de grâce à l'accord politique en Libye, du fait d'une guerre d'intérêt non déclarée à travers laquelle les tenants du pouvoir à Tobrouk veulent garder leur influence et éviter une marginalisation. Surtout que, selon les termes de l'accord inter libyen, les postes militaires et sécuritaires seront déclarés vacants 20 jours après la signature de l'entente. Ces postes, notamment le portefeuille de la Défense, sont actuellement tenus par le général Khalifa Haftar, comme décidé à Tobrouk en mars 2015. Le coup d'arrêt En attendant qu'un consensus soit trouvé autour du gouvernement d'union nationale, les parties libyennes ne doivent pas perdre de vue l'importance d'élaborer un plan pour ramasser les armes en circulation, dissoudre les milices armées notamment dans le Grand Tripoli ainsi que dans les autres villes du pays, en vue de leur réinsertion dans les institutions compétentes. Un impératif qui s'impose pour pouvoir déclarer la guerre aux réseaux terroristes. A vrai dire, la sortie des «rangs» du Parlement de Tobrouk mais surtout du général Haftar ne sont pas surprenantes. Ce général, qui a passé une vingtaine d'années aux Etats-Unis, n'est pas au-dessus de tout soupçon, loin s'en faut. Après avoir constitué une véritable armée parallèle sous le regard bienveillant des puissances occidentales et de l'Egypte, il ne voudrait pas se faire doubler dans la course au pouvoir. Quoi de plus logique alors pour ce chef de guerre que de mettre les bâtons dans les roues du Conseil présidentiel qui, lui, privilégie la solution politique pour éviter l'éclatement du pays en trois entités. Il n'est pas exagéré de dire que le général Haftar et le Parlement de Tobrouk travaillent selon un agenda conçu de l'étranger et dont la Libye et son peuple ne seront pas forcément gagnants. Croisement d'intérêts Tout se passe comme si Haftar et ses compères veulent faire capoter le processus politique pour rendre inévitable la «solution» militaire sous forme d'une intervention sous l'étendard des Nations unies contre les repaires terroristes à Tripoli. Ce scénario offre à l'Occident l'occasion de placer Haftar et ses amis au pouvoir à Tripoli quitte à ce que l'engrenage de violence qui ne manquera pas de suivre provoquera, in fine, l'éclatement du pays. A moins que ce soit l'objectif recherché par ceux qui encouragent Haftar et consorts. C'est dire à quel point ce refus du Parlement de Tobrouk dominé par un patchwork d'anti-islamistes, de nationalistes, de transfuges de l'ancien régime et de personnalités au pédigree politique douteux, est une mauvaise nouvelle pour la paix en Libye. L'investiture du nouveau gouvernement aurait ouvert la voie à une assistance militaire pour mener des assauts contre les bases de l'EI à Syrte, conformément à l'accord politique. Daech pourra hélas continuer à régner sur Syrte et rogner davantage de territoires en Libye sans trop de risques aussi longtemps que le groupe de Tobrouk refusera de s'approcher de Tripoli. Les capitales occidentales qui commandent à distance l'opération de «minage» de ce pays au bord der la partition sont mises en demeure de changer de stratégie sinon le retour de flamme risque d'être dévastateur pour les Libyens, leurs voisins et même l'Europe. L'équation libyenne devient de plus en plus compliquée en raison de croisements d'intérêts et d'aiguisements d'appétit.