Ingénieur en économie pétrolière depuis 1976 (première promotion de l'INHC), Lotfi Halfaoui regrette, dans cet entretien, la régression de l'Algérie en matière de valorisation des hydrocarbures pour devenir un simple exportateur de matières premières. Pour cet expert en sécurité industrielle, il est temps qu'un plan de développement de la pétrochimie et plasturgie soit activé entre secteur public et privé, seul à même de compenser le yo-yo des prix du pétrole. Ecoutons-le. Le Temps d'Algérie : Que signifie pour vous le 24 février 1971, date de la nationalisation des hydrocarbures ? Lotfi Halfaoui : Un tournant dans ma vie ! En effet, en février 1971, je préparais mon bac au Lycée Ibn-Badis d'Oran et l'appel à la jeunesse pour relever le défi de réussir «l'algérianisation du secteur des hydrocarbures» de notre président de la République, Houari Boumediène, Allah yerrahmou, ne m'avait pas laissé indifférent. Bac en poche, j'ai regagné l'Institut national des hydrocarbures et de la chimie (INHC) de Boumerdès. C'était la première promotion de bacheliers qui rejoignait l'INHC. A ce jour, au sein de mon cabinet d'expertise industrielle, entouré d'une vingtaine de jeunes ingénieurs et d'experts aguerris, j'active, encore, majoritairement sur les champs et complexes d'hydrocarbures. Notre ambition est de former une nouvelle génération de cadres à même de perpétuer cette valeur portée par ce 24 février 1971. Depuis cette date, l'économie algérienne est restée dépendante de cette énergie. Est-ce que cela signifie que l'Algérie n'a pas encore acquis son indépendance énergétique ? L'Algérie a acquis son indépendance énergétique depuis cette date, mais force est de constater que son économie est malheureusement toujours dépendante des exportations de ses hydrocarbures. Nous constatons que nous avons régressé en matière de valorisation de ces hydrocarbures pour devenir de simples exportateurs de matière première, hormis quelques produits. Il est impératif de développer, à côté du secteur des énergies fossiles, un secteur fort et structuré de production d'énergie renouvelable. Notre pays est une «mine à ciel ouvert» d'énergie propre qui ne demande qu'à être «canalisée» au regard du soleil et du vent principalement. Pour le commun des Algériens, l'Algérie célèbre cette année cet anniversaire dans une conjoncture très difficile. Que préconisez-vous pour dépasser cette instabilité sur les marchés internationaux du pétrole et du gaz ? Il est temps, je l'espère, qu'un ambitieux plan de développement de la pétrochimie et plasturgie soit activé entre secteurs public et privé, seul à même de compenser le yo-yo des prix du pétrole. La plus-value retirée en transformant localement une matière première, d'autant plus sujette à un phénomène cyclique de variation des prix sur les marchés internationaux, est éminemment positive. En un mot, plus on transforme nos hydrocarbures chez nous, moins sera l'impact négatif d'une baisse liée aux prix du pétrole et du gaz sur les marchés internationaux. En effet, nous relevons qu'un véhicule, par exemple, est constitué de 80% de matières plastiques dues à la transformation d'hydrocarbures. Donc, l'ambition de créer un secteur de fabrication automobile, par exemple, doit passer nécessairement par la production de matières plastiques, résine, mousse..., qui seront incluses dans les chaînes de montage de véhicules que nous souhaitons réaliser localement. Plus d'un million de postes de travail peuvent être créés pour porter ce nouveau secteur de fabrication automobile par la seule transformation de nos hydrocarbures en produit de plasturgie. Ceci est valable dans beaucoup de secteurs où la valorisation des hydrocarbures est décisive dans le développement de notre économie.