L'ouvrage Saïd Mekbel, une mort à la lettre de Monika Borgmann renvoie à une période dramatique et noire de l'histoire du pays. Paru aux éditions Frantz Fanon et préfacé par Belkacem Boukherouf et Youcef Zirem, cet ouvrage se veut prémonitoire et annonciateur d'une période atroce qui durera plus d'une décennie. A travers trois entretiens réalisés entre le 4 décembre et le 16 décembre 1993 avec Saïd Mekbel, l'auteure relate ses appréhensions, ses inquiétudes et ses tourments. Mekbel livre son analyse de la situation dramatique et semble convaincu d'un grand complot ourdi à l'encontre des intellectuels et journalistes. Il fait allusion à un génocide de l'élite intellectuelle. Dans le premier entretien, Saïd Mekbel rappelle le décès tragique du talentueux poète et écrivain Tahar Djaout. Il considère son écriture comme la meilleure de son temps à l'image de celle de Kateb Yacine. En outre, il évoque les décès des journalistes et intellectuels Yefsah, Abada, Zenati, Boucebci, Belkhenchir, Liabès et Flici. Dans ce chapitre, il met en relief l'exhortation de Djaout à Mekbel pour se lancer dans l'écriture d'un roman. Tahar estimait que Mekbel était un écrivain hors pair. A travers les réponses, on devine que l' admiration était réciproque. Dans le second entretien, Saïd mekbel se livre sur sa vie, sa famille et son parcours professionnel. Ingénieur, physicien, spécialiste de l'écoulement fluide de l'air et détenteur d'un doctorat, il a étudié en Algérie et en France tout en séjournant dans de nombreux pays dont l'Italie et l'Allemagne. Natif de Béjaïa en 1940 dans une famille pauvre, Mekbel a été envoyé étudier loin de sa famille. Ayant cumulé les fonctions de rédacteur et de directeur de plusieurs publications, il n'a jamais cessé d'écrire et de lire. Dans sa chambre, il est entouré d'auteurs illustres comme Kateb Yacine, Gabriel Garcia Marquès, Léon Tolstoi, etc. Dans le troisième entretien, il dénonce des accointances et raconte qu'il a toujours milité pour la démocratie. Il évoque son séjour en prison au début de l'indépendance. La lecture et l'écritue Dans ce livre émouvant, Saïd Mekbel précise qu'il aime la solitude et les livres. Son refuge dans l'écriture et la lecture lui procure beaucoup de plaisir. Pour oublier tous les tourments de cette période, il avoue résister par son mental. C'est le récit d'un homme traqué qui puise de ses réflexions la force et le courage pour ne pas sombrer dans la déprime. D'une écriture simple, très intime et personnelle, Monika a su nous mettre dans le contexte de l'époque et nous dévoiler la valeur intrinsèque de cet intellectuel hors pair. A lire afin que nul n'oublie cette triste et dramatique période.