Tout concourt à croire que la maison des Amrouche, sise à Ighil-Ali, dans la région des Ath-Abbas, à 80 km au sud de Béjaïa, sera classée et versée au patrimoine culturel national, comme l'a toujours souhaité l'association Jean et Taos Amrouche. La récente décision des pouvoirs publics de répondre favorablement au vœu de la société civile de donner le nom de Taos Amrouche à la maison de la culture de la wilaya et la visite de la maison de naissance des deux écrivains Amrouche qu'effectuera demain le ministre de la Culture, Azzedine Mihoubi, constituent un signal fort du désir de l'Etat de briser l'ostracisme frappant cette famille depuis l'indépendance et dont l'œuvre a brillé sur le monde de la littérature de par sa profondeur humaine. A ces deux signaux des pouvoirs publics, s'ajoute la décision d'accélération de la procédure judiciaire engagée par l'association Jean et Taos Amrouche contre l'ancien directeur de la réglementation de la wilaya (DRAG) qui aurait, selon les propos du président de cette association, Mustapha Amrouche, agi en violation de la loi en accordant un agrément à une autre association qui porte le même nom et domiciliée au même siège. Mustapha Amrouche, que nous avons rencontré à sa sortie du bureau du procureur d'Akbou, nous a révélé que «l'affaire vient d'être renvoyée au procureur de la wilaya à la suite d'une note de l'inspection générale du ministère de la Justice que nous avions saisi à propos du retard enregistré dans l'instruction de cette affaire». La maison des Amrouche, située au quartier catholique «Marie-Rose», au cœur d'Ighil-Ali, a été construite grâce au prêt consenti par une œuvre chrétienne à la famille Amrouche qui habitait jusque-là dans une maison délabrée où est né Jean avant que la famille ne s'exile à Radès, en Tunisie, puis en France. Cette maison est occupée actuellement par un ancien moudjahid qui aurait été «installé clandestinement sur une simple délibération du conseil communal en 1963», selon les termes employés par l'association Jean et Taos Amrouche dans une lettre ouverte adressée au président de la République. Cet ancien moudjahid, Rabah Kebir, qui aurait acquis cette maison où a été élevée une partie de la fratrie des Amrouche, dont Jean, en 1984 à la faveur de la loi 81-02 relative à la cession de l'Etat, a entrepris depuis des travaux de démolition afin d'ériger une autre bâtisse à la place. Ce qui n'a manqué de soulever un tollé général dans les milieux culturels et berbéristes qui n'ont pas cessé, depuis 2011, d'exiger à force de rassemblements, de lettres ouvertes et de sit-in le classement de cette maison et son versement au patrimoine culturel national. Un nom aux oubliettes Pour rappel, aucun édifice public, aucune rue, nulle place ne portent le nom de l'un de ces dépositaires de la mémoire orale berbère. A l'exception d'une école qui porte le nom de Jean Amrouche, située à Ighil-Ali. Cette dénomination qui eut lieu aussitôt l'indépendance acquise, le fut, selon des vieux du village, grâce à Krim Belkacem. Le héros de la Révolution, en reconnaissance au travail accompli par l'écrivain et homme de radio que fut Jean Amrouche pour faire aboutir les négociations d'Evian, aurait instruit les autorités communales de l'époque pour donner son nom à cette école quelques mois après son décès, en avril 1962.