Jacques Myard est député-maire de Maisons-Laffitte et l'un des fondateurs de la droite française. Il évoque, dans cet entretien, les attentats terroristes qui ont ciblé la Belgique, la France et d'autres pays, et appelle à la reprise des relations diplomatiques avec Damas. Le Temps d'Algérie : La Belgique est ébranlée par une série d'attentats terroristes. Cela était-il prévisible ? Jacques Myard : Oui, tous ces tragiques événements étaient prévisibles, dans la mesure où il y avait déjà eu des attaques en Belgique, attaque contre le musée juif et le Thalys. De plus, il est malheureusement avéré que les kalachnikov circulent en nombre dans le milieu des délinquants en Belgique et les liens entre les terroristes et le milieu du banditisme sont prouvés. Des attentats terroristes avaient précédemment ciblé la France. Pourquoi la Belgique et la France ? La France et la Belgique ont laissé prospérer des ghettos qui rencontrent nombre de difficultés économiques, ce qui entraîne des problèmes identitaires et des frustrations pour certains jeunes qui pensent trouver un sens à leur vie en allant combattre en Syrie et en Irak, mais il faut aussi souligner qu'il y a de nombreux fils d'émigrés qui réussissent très bien, mais ce ne sont pas ceux-là qui font la une des médias. L'Europe est-elle aujourd'hui menacée par Daech ? A l'évidence, nous vivons tous dans un village planétaire et les guerres du Proche et Moyen-Orient nous atteignent tous. Il suffit d'ailleurs d'une petite minorité fanatique qui attaque par surprise pour créer la panique et le chaos. Il faut y ajouter la Libye qui n'arrive pas à retrouver une stabilité interne, ce qui peut déstabiliser la Tunisie et au-delà. La France a rompu ses relations diplomatiques avec la Syrie. Par conséquent, les services de renseignements des deux pays ne peuvent pas coopérer. Paris est-il pénalisé par cette absence de coopération, sachant que de nombreux extrémistes français ont rejoint Daech ? Je le dis avec force : la rupture des relations diplomatiques avec Damas est une faute ! L'art de la diplomatie, c'est de parler avec tout le monde et surtout avec ceux que l'on n'apprécie pas ! En réalité, la France a réagi en suivant une opinion publique très émotionnelle face à des répressions, sans comprendre le fond de la réalité : la montée des fanatiques religieux. On pourrait y ajouter «les pressions amicales» de certains Etats de la région qui n'aiment pas le régime de Damas… Sans commentaires ! Appellerez-vous à la reprise des relations diplomatiques avec la Syrie ? Oui, c'est incontournable car Damas est et restera l'une des clés de la solution politique, que cela plaise ou non aux salonnards hommistes parisiens ou d'ailleurs. J'ajoute que c'est aux Syriens et à eux seuls de choisir leur gouvernement, à personne d'autre. Le temps des moralisateurs doit cesser, même si je souhaite ardemment que l'opposition puisse toujours être écoutée et respectée dans tous les pays. Ne croyez-vous pas que le soutien militaire apporté à l'opposition syrienne favorise les attentats en Europe et ailleurs dans le monde ? C'est en effet une singulière manière que d'aider l'opposition syrienne dite modérée en lui donnant des armes. La réalité est qu'il n'existe pas d'opposition modérée. On est en face de mouvements directement liés comme à Al Nosra à Al Qaïda. Certains Etats de la région ont joué les apprentis sorciers dans la région, certains ont à l'évidence des visées sur la Syrie elle-même. Ils le payeront cher car la guerre civile peut malheureusement démarrer en Turquie avec la question kurde. De plus, l'aide apportée parfois directement à des mouvements intégristes fanatiques a nourri en retour le terrorisme au sein même des ces Etats, le cas de l'Arabie saoudite est patent à ce titre. En conclusion, je dirais que la lutte contre Daech passe certes par la coopération policière contre le terrorisme, mais c'est aussi une question de société : chacun a la religion de son choix, mais aucune religion ne peut s'imposer aux autres par la force, si ce n'est pas le cas, nous entrerons de plain-pied dans les guerres de religions, ce sera une catastrophe pour tous les peuples de la Méditerranée. Entretien réalisé