Invité ce samedi par la librairie El Idjtihad à Alger, Abdou Elimam a défendu les filiations puniques de l'arabe parlé aujourd'hui. «Le maghribi, alias ed-derija - la langue consensuelle du Maghreb, «est une troisième réédition d'un ouvrage sorti il y a une vingtaine d'années. Et en le relisant, je n'y changerais aucune virgule, car on est loin du compte sur ces questions-là», a déclaré Adbou Elimam avant-hier à la librairie Ijtihad à Alger-Centre lors de sa présentation du livre. L'objet de ce travail d'histoire et de recherche est de retrouver les traces de la langue parlée il y a 3000 ans dans ce continent. De ce fait, l'auteur dira qu'une dizaine de siècles auparavant et à quelques variantes près, la langue qui se parlait à cette époque est celle que nous parlons aujourd'hui et qu'on appelle ed-deridja. «J'ai travaillé sur un corpus punique dans lequel j'ai essayé de voir ce qui a survécu de cette langue. J'ai trouvé qu'en fait, on est à plus de 60% de substrat de survivance de cette langue. Il y a des mots qui ont disparu et d'autres qui ont changé de sens, mais l'essentiel se traduit en ce 60% qui se parlait il y a plus de 20 siècles et qui existe toujours». En travaillant sur la langue punique, l'auteur déduit que c'est une langue sémitique et que cette dernière partage les mêmes principes ; en d'autres termes, toutes les langues se ressemblent. Plus loin dans ses recherches et en rassemblant des dates précises, l'auteur dira qu'il a été marqué par le fait qu'au moment où ici (Afrique du nord), on parlait cette langue, l'arabe n'existait pas encore. «L'arabe n'est apparu réellement qu'entre le septième et le dixième siècle. Il lui a fallu trois siècles pour être normé. Or il se parlait déjà quelque chose d'autre avant en cette terre. Les langues maternelles ont traversé le temps, les colonisations, les idéologies linguistiques diverses qu'on a rencontrées et elles sont toujours vivaces. Et c'est là qu'intervient mon travail dans la deuxième partie du livre. C'est-à-dire que les langues ne parlent pas toutes seules, elles sont portées par les humains qui les parlent. Qu'on ne me dise pas que telle ou telle langue est une langue de science, car une langue en elle-même n'est rien du tout, tout dépend des humains qui la portent et qui diffusent le savoir à travers elle..., a-il indiqué. Un signed'émancipation « Nous qui sommes une nation très jeune dans l'histoire, avec le tamazight, on a ouvert une brèche. Mais sur ce que j'appelle le maghribi, on a encore beaucoup de mal», fera savoir A. Elimam, avant de poursuivre : «Des chercheurs de partout dans le monde ont appelé avant moi la langue qui se parle dans notre pays le maghribi. Sur ce, je me suis dis : ‘'pour une fois, je vais appeler ma langue par un nom, et pour moi c'était déjà un signe d'émancipation personnel''. Je me suis senti mieux dès que je l'ai fait». Elimam Abdou, né à Oran, est docteur d'Etat et professeur de linguistique. Il a exercé dans plusieurs établissements universitaires (Sorbonne, Rouen, Inalco, Ines, Culture populaire, Naplouse-Palestine, UFC, Enset). Il a publié de nombreux articles et ouvrages de sociolinguistique du Maghreb, de didactique et de linguistique cognitive. «Le maghribi, alias «ed-derija» (la langue consensuelle du Maghreb)» de Abdou Elimam 248 pages, éditions Frantz-Fanon, 600 DA.