L'arrivée des beaux jours, annonciatrice de détente et de repos pour beaucoup, met aussi, revers de la médaille oblige, à nu les déformations de la société. Parmi celles-ci, les hordes de malades mentaux qui profitent de la clémence du temps pour investir les rues et constituer une menace de plus pour les citoyens. Taboues parmi tant d'autres, les maladies mentales, de par leur fréquence, inquiètent les médecins praticiens. Pas moins de deux millions d'Algériens nécessitent une prise en charge psychiatrique conséquente. Parmi eux 65% font partie de la tranche d'âge des 20/40 ans et 36% des sujets de sexe féminin. En dehors des malades lourds que l'errance a éloigné de la thérapie, égale à ce stade au placement en structure spécialisée, et de ceux nombreux qui ne sont pas déclarés par leur famille sous l'emprise de la honte, comment est organisée la prise en charge des malades légers? Alors que quelques années auparavant, la psychiatrie était cernée dans quelques hôpitaux spécialisés, les personnes présentant des troubles psychiatriques sont prises en charge par les mêmes structures ou des polycliniques où la discipline s'est rapprochée des malades, faisant partie des soins primaires. Les idées reçues qui donnent les malades mentaux pour irrécupérables sont à ranger. Les progrès de la science ont rendu possible la guérison des malades. Même dans leur forme la plus extrême, comme la schizophrénie, les maladies mentales sont guérissables lorsqu'il y a une bonne prise en charge psychiatrique. L'urgence pour les pouvoirs publics d'investir dans la santé mentale pour stopper l'escalade de cette pathologie lourde en conséquences et d'adopter un plan national pour la prise en charge des malades atteints de troubles mentaux est de premier ordre. Faute de structures d'accueil, les rechutes chez les schizophrènes restent importantes, ce qui a pour conséquence de compliquer le handicap du malade, tout en rendant son traitement fastidieux et coûteux. Pour nombre de malades qui se soignent en externe, ces traitements demeurent inaccessibles, alors que leur prise doit se faire sur un long terme. De nombreux malades non assurés arrêtent leur traitement en raison du coût des médicaments. Le moins cher (Olanzapine), produit localement, revient à 7000 DA la boîte de 30 comprimés. Dans notre société, l'acceptation de la maladie est la première étape qui conditionne la thérapie qui elle-même conduit à des chances de guérison. Si pendant longtemps la première image renvoyée par le terme psychiatrie était celle de la souffrance humaine, aujourd'hui elle doit nous interpeller. Faut-il qu'une personne atteinte mentalement commette l'irréparable sur le médecin qui la traite ou dans la rue pour réagir ?