En vigueur depuis fin février, le cessez-le-feu en Syrie est grandement fragilisé voire menacé par les combats qui font rage près d'Alep. Ceci alors que les pourparlers ont repris mercredi à Genève. Initiateurs avec Moscou de cette trêve entre régime et rebelles syriens qui a permis une diminution des violences, les Etats-Unis se sont dit jeudi «très préoccupés» par une «offensive» près de la grande ville du nord de la Syrie des forces progouvernementales soutenues par l'aviation russe. A Genève, l'émissaire spécial de l'ONU pour la Syrie a lui fait part de sa frustration au sujet des difficultés d'accès humanitaire en Syrie, ravagée par cinq années d'un conflit qui a fait plus de 270 000 morts et jeté sur les routes plus de la moitié de la population. La province septentrionale d'Alep est le théâtre de combats de plus en plus violents entre la pluralité d'acteurs disséminés sur ce territoire frontalier de la Turquie, stratégique pour tous les belligérants et spécialement pour les groupes rebelles et jihadistes qui se ravitaillent en Turquie. Près de la capitale provinciale Alep, les forces prorégime affrontent sur plusieurs fronts des jihadistes du Front Al-Nosra, branche syrienne d'Al-Qaïda, alliés à des rebelles. Elles mènent notamment une offensive au nord de la ville avec l'appui aérien russe, selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH). D'après son directeur Rami Abdel Rahmane, les affrontements les plus intenses se concentrent autour du secteur de Handarat le long d'une route que le régime cherche à couper afin «d'assiéger complètement les quartiers est» d'Alep, tenus par les rebelles alors que l'ouest de la ville est sous contrôle gouvernemental. La chef de la diplomatie européenne Federica Mogherini a elle aussi fait part de sa préoccupation et appelé au «respect, à la consolidation et l'expansion» de la trêve. Les discussions ont repris mercredi à Genève avec l'objectif de rapprocher les positions – diamétralement opposées – du régime et de l'opposition sur un scénario de transition politique en Syrie mais les combats d'Alep risquent de «plomber» la paix. En effet, plus de 200 combattants de différentes forces armées ont été tués depuis dimanche dans les combats faisant rage dans la province d'Alep, a affirmé hier l'OSDH. Parmi les victimes figurent 82 militaires et miliciens pro-régime, 94 jihadistes du Front Al-Nosra, branche syrienne d'Al-Qaïda, et leurs alliés islamistes, ainsi que 34 ultra-radicaux de Daech, précise l'observatoire. Il s'agit d'une des batailles les plus féroces et les plus complexes car toutes les forces engagées dans le conflit syrien y sont impliquées. 30 000 personnes ont fui les combats En outre, il faut signaler qu'au moins 30 000 personnes ont fui les combats au cours des dernières 48 heures, a affirmé l'organisation Human Rights Watch appelant la Turquie à leur ouvrir sa frontière. L'ONG a accusé les gardes-frontières turcs de tirer sur des déplacés qui s'approchaient de la frontière, fuyant les violents affrontements opposant dans la province d'Alep les djihadistes du groupe Etat islamique (EI) aux groupes rebelles. «Alors que les civils fuient les combattants de l'EI, la Turquie répond par des tirs à balles réelles au lieu de ressentir de la compassion», déplore Gerry Simpson, chercheur à HRW. «Le monde entier parle de combattre l'EI. Or, ceux qui sont les plus susceptibles de devenir les victimes de ses abus atroces sont pris au piège du mauvais côté d'un mur de ciment», a-t-il ajouté. HRW souligne que de nombreuses personnes parmi celles qui fuyaient les combats étaient déjà installées dans des camps de tentes établis le long de la frontière, et se dirigeaient désormais vers d'autres camps ou localités proches, même si le danger y était aussi présent.