«Injuste», c'est le mot qu'ont employé plusieurs syndicalistes dans différents secteurs à propos de la fin de la retraite anticipée ou dite sans condition d'âge. Annoncée, avant-hier, par le Premier ministre lors de la tripartite, la révision de la retraite a choqué les syndicats. A l'unanimité, ils disent rejeter «catégoriquement» ce changement. C'est le cas du Satef, un des syndicats des travailleurs de l'éducation. Le SG, Boualem Amoura, a tout de go affirmé que son secteur refusera l'annulation de la retraite anticipée. «Nous considérons cette annonce comme une grande injustice à l'égard des travailleurs», nous dit-il, et d'ajouter «notre travail est des plus pénibles. Nous avons par le passé demandé un départ en retraite après 25 ans d'activité, mais elle a été refusée. Là, nous allons vivre une autre injustice qui est celle de pousser un fonctionnaire à travailler au-delà des 32 ans de cotisation à la Caisse nationale de la retraite», s'est-il indigné. Le syndicaliste dénonce cette réforme en déclarant que «l'Etat doit se tourner plutôt vers ceux qui pratiquent des activités dans l'informel pour renflouer les caisses d'assurance». Car, il estime que c'est là que l'argent est «caché» et échappe au fisc. «Si le gouvernement veut gagner de l'argent, ce n'est nullement sur le dos des fonctionnaires qui peinent déjà à subvenir à leurs besoins», dit Boualem Amoura. Ce dernier fera la comparaison des cotisations des travailleurs de l'éducation et celles des commerçants. L'écart est flagrant pour lui. «Je verse mensuellement 26 000 DA entre impôt sur le revenu global (IRG) et les charges. Les commerçants, eux, paient 32 000 DA par an. C'est flagrant!», estime-t-il. En plus des conditions de travail «lamentables», l'enseignant devra désormais travailler jusqu'à 60 ans pour aspirer à une retraite, et ce, même après avoir cumulé plus de 32 ans de cotisations. «En réalité, nous n'allons pas profiter de notre retraite. Au contraire, c'est l'Etat qui veut profiter du labeur des travailleurs», s'indigne-t-il encore. Même topo chez l'UGTA. Jamel Oudfel, coordinateur syndical sous la bannière de l'UGTA à Alger, a lui aussi rejeté cette décision. «Aucun travailleur ne pourra être productif après 32 ans d'activité», lâche-t-il. «C'est déjà une perte pour une entreprise, lorsqu'un de ses salariés n'est pas productif et pas en mesure de donner. Il serait au contraire plus intéressant de le laisser partir et de le remplacer par un jeune employé», estime-t-il. Ce qui est clair pour ce syndicaliste, «tant que le travailleur a effectué les 32 ans de cotisations, il doit prendre sa retraite même s'il n'a pas encore atteint l'âge de 60 ans». Par contre, souligne-t-il, «la retraite anticipée peut logiquement être refusée si l'employé n'a pas bouclé le nombre d'année de cotisations suffisantes pour bénéficier d'une pension». Les arguments des syndicalistes sont loin de convaincre les gestionnaires de la CNR. En février dernier, son directeur général a clairement signifié que la réflexion sur une éventuelle autorisation d'activité au-delà de 60 ans doit être réfléchie. Il avait refusé l'idée de faire de l'Algérie «un pays de retraités». Quant au secteur de l'Education, qui enregistre le plus important taux de demandes de départ à la retraite anticipée, il avait estimé que «tout travail est pénible», pas uniquement le métier d'enseignant. Pour lui, cette raison de pénibilité ne peut être une motivation pour demander un départ à la retraite. Un avis que soutient partiellement Lyes Merabet, SG du SNPSP, en rappelant que dans les conditions économiques actuelles, il est difficile de maintenir l'ancien système de retraite. Toutefois, il s'interroge sur l'exclusion de son syndicat de la réunion de la tripartite et de considérer que l'UGTA est l'unique représentant du monde du travail.