Plus que les années précédentes, la célébration de l'Aïd El Kebir, qui interviendra demain, épousera, pour de vrai et avec un impact exceptionnel, son appellation de fête du sacrifice. Elle le sera au propre comme au figuré. Les Algériens vont sacrifier et le mouton et le porte-monnaie. Le hasard du calendrier leur a, hélas, et une fois de plus, fait des siennes. Sortis d'un mois de Ramadhan au terme duquel ils laissèrent des plumes pour assouvir leur légendaire boulimie, érigée en acte de dévotion, ils enchaînèrent tout de suite avec des vacances nécessairement coûteuses. Les voilà, aujourd'hui, contraints – devoir religieux oblige – de puiser dans ce qui reste de leur bas de laine pour s'offrir un mouton. Un sacrifice à double impact qui ne manquera pas de mettre le moral des pères de famille en berne, bien que l'occasion est censée leur procurer de l'allégresse. Comment pouvait-il en être autrement quand on sait qu'ils viennent à peine de trouer leurs poches avec une rentrée scolaire asséchante. Tout compte fait, le resserrement calendaire des événements festifs cette année aura achevé de dépouiller les ménages qui, plus est, dans un contexte social précaire, marqué par la hausse sensible des prix. Et ce n'est pas fini, puisque le projet de loi de finances 2017 prévoit d'autres majorations de taxes et impôts qui vont ipso facto se répercuter sur la mercuriale. C'est dire que l'Aïd de cette année est davantage une facture à inscrire dans la rubrique des dépenses, sur un tableau de bord clignotant déjà en rouge vif. Ceci sur un plan strictement matériel. Faut-il souligner le climat social général, gagné par l'anxiété face aux incertitudes financières du pays. Si les bataillons de fonctionnaires affichaient jadis le grand sourire, rassurés de téter à satiété les mamelles intarissables de l'Etat, c'est désormais le spleen. Ils vont devoir mettre une croix sur les augmentations de salaire, les privilèges attachés à leurs fonctions et, plus dur encore, ils vont devoir travailler jusqu'à 60 ans avant de prendre la retraite. C'est que la déprime pétrolière qu'on nous disait, par excès de populisme, conjoncturelle, a eu raison des fausses certitudes et obscurcit l'horizon des milliers de familles non préparées à vivre précocement une période des vaches maigres. La faute à l'imprévoyance et au manque d'anticipation du gouvernement, incapable de sortir de sa bulle rentière, à force d'être aveuglé par un baril cher des années durant. Du coup, l'Algérien qui a, lui aussi, intériorisé de manière pavlovienne cette attitude nonchalante de l'Etat, subit de plein fouet les dommages collatéraux. Le réveil est aussi brutal que douloureux. On va donc essayer de fêter l'Aïd avec autant de ferveur possible et on fera contre mauvaise fortune bon cœur. Et faute de pouvoir renflouer rapidement son budget, le père de famille va devoir tailler dans les dépenses inconsidérées et adopter les bons réflexes que dicte la situation générale du pays, qui ne se présente pas sous de meilleurs auspices, loin s'en faut. Ne jouons tout de même pas les rabat-joies et souhaitons un Aïd Moubarak à toutes et à tous et prions pour que les cours du pétrole nous réchauffent prochainement le cœur.