En l'absence de stratégie commune entre les Etats européens, nul doute que les groupes terroristes conserveront intacte leur capacité de nuisance. Le vieux continent fait face aujourd'hui à un phénomène auquel il s'est très peu préparé. L'Europe est-elle le nouveau terrain où prospèrent et opèrent les terroristes ? Les attentats s'y sont dangereusement multipliés depuis quelques années. Lundi, au soir, l'Allemagne en a fait l'amère expérience. Douze personnes ont été tuées et 48 blessées après qu'un camion ait foncé sur un marché de Noël dans l'ouest de Berlin. Forcément, l'attaque de Nice, le 14 juillet dernier, en France, revient dans tous les esprits. Le même modus operandi a été visiblement suivi avec la même logique sinistre : faire toujours le plus grand nombre de victimes en choisissant, au passage, des dates symboliques : la veille de Noël et des fêtes de fin d'année. L'objectif des auteurs des attentats est, ici, on ne peut plus clair : installer un climat de terreur permanent avec un écho médiatique le plus large possible. Hier mardi, l'horreur a fait les Unes de la presse européenne. «Un camion dévaste le marché de Noël», titre le Parisien, «L'horreur au cœur de Berlin», écrit le Figaro, «Terreur à Berlin» renchérit Libération, alors que le britannique, The Guardian, recueille les témoignages de ceux qui ont assisté, effarés, à la scène berlinoise : «L'engin a foncé dans la foule et les tentes en bois, arrachant les lumières au passage. Tout est devenu noir et les gens criaient, c'était horrible», raconte une passante, citée par le journal londonien. Des récits atroces inimaginables jusque-là. Et cela risque malheureusement de continuer. Bruxelles, Paris, Londres, Madrid et d'autres capitales n'ont pas pu échapper à la nuisance de cette nébuleuse qui active de manière autonome et planifie ses actes partout où elle veut frapper. Le terrorisme a évolué, il est doté de nouvelles stratégies, toujours plus sophistiquées, nettement mobile et ignore, de fait, les frontières. Il est transfrontalier. «Il s'agit là d'un phénomène ni récent ni statique. Le terrorisme a considérablement évolué au fil du temps, même s'il conserve certaines caractéristiques qui l'ont historiquement défini. Bien que ces événements puissent paraitre aléatoires, le terrorisme est par sa nature un événement organisé et planifié voire politique. La tendance aujourd'hui est à l'autonomisation et atomisation des cellules locales», analyse Tewfik Hamel, chercheur en histoire militaire. (Lire l'interview en page 3). Ceci rend évidemment la lutte contre ce fléau mondiale doublement difficile. Retour de flammes En l'absence de stratégie commune entre les Etats européens, nul doute que les groupes terroristes conserveront intacte leur capacité de préjudice. Le vieux continent court ici un risque majeur. D'abord parce que les politiques guerrières menées par ces puissances dans les zones de conflits (Irak, Syrie, Libye, Yémen), balisent le terrain aux pires violences. Il n'est pas étonnant, de ce point de vue, que des actes de vengeance spectaculaires soient perpétrés sur les terres «ennemies», on l'a déjà vérifié. Ensuite, en France, en Grande-Bretagne, en Allemagne ou en Belgique l'on a pendant longtemps fermé les yeux sur les radicalismes en gestation et toléré les formations de groupes extrémistes. «Pourvu qu'ils ne frappent pas chez-nous», disait-on. Erreur. Ils se comptent aujourd'hui par milliers ces jeunes français, allemands et belges embrigadés dans des camps d'entraînement en Syrie, en Irak et au Yémen. Ils attendent de rentrer chez eux avec, en tête, des plans et des objectifs de nuisance bien précis. Face à ces milliers de «bombes humaines», l'Europe agit encore en rangs dispersés et lentement. A cela s'ajoute une réponse inadaptée. On l'a vu en France, au lendemain des attaques terroristes, juillet 2016, le président François Hollande s'est précipité en déclarant que «la France est en guerre». S'ensuit alors, au plan interne, une série de mesures ultra-sécuritaires qui a placé aussitôt le pays dans l'état d'urgence… permanent ! Les partis extrémistes et les nationalistes européens n'attendent que ça : le traitement sécuritaire. Et la voie est alors ouverte à toutes les suspicions. L'ennemi est vite pointé du doigt : le musulman. Un cercle de violence dangereux. Les principaux attentats en Europe et en Turquie Du 7 au 9 janvier 2015 : Quatre attentats terroristes font 17 morts et 21 blessés dont 3 policiers. Un attentat contre Charlie Hebdo fait 12 morts et 11 blessés. Fusillade à Montrouge, faisant 1 mort et 1 blessé. Et une double prise d'otages à Dammartin-en-Goële et à Paris. Paris, 13 novembre 2015 : Il s'agit d'attentats les plus meurtriers en France.130 morts et un peu plus de 400 blessés sont déplorés dans de multiples fusillades et attentats-suicides perpétrés à Paris et à Saint-Denis. Istanbul, 28 juin 2016 : trois kamikazes se font exploser à l'aéroport Atatürk d'Istanbul, provoquant la mort de quarante-quatre personnes et au moins deux cent trente-huit blessés. Bruxelles, le 22 mars 2016 : 32 morts et 340 blessés enregistrés dans deux explosions à l'aéroport international de Bruxelles en Belgique, et dans une explosion dans la station de métro Maalbeek. Nice, le 14 juillet 2016 : 86 personnes ont été tuées et 434 blessés dans un attentat au camion-bélier à Nice, lors du feu d'artifice annuel de la fête nationale française. 22 juillet 2016, Allemagne : une fusillade dans un centre commercial de Munich fait 9 morts et 27 blessés. 26 juillet 2016 en France : Un prêtre et 85 fidèles ont été abattus par deux assaillants, lors d'une prise d'otage, dans une église à Saint-Etienne-du-Rouvray. 10 décembre 2016, Turquie : 40 morts dans un double attentat à la bombe dans le centre d'Istanbul. Ankara, le 19 décembre 2016 : L'ambassadeur russe, Andreï Karlov, cible d'une attaque armée, décède à Ankara et 3 personnes blessés. Un homme a ouvert le feu sur le diplomate, alors qu'il visitait une exposition d'art dans la capitale turque. Berlin 19 décembre 2016 : Un camion ayant foncé dans un marché de noël a tué 12 personnes et blessé une cinquantaine.