Les partis politiques, optant pour le boycott des élections législatives, risquent de se voir sanctionnés par les pouvoirs publics. L'on évoque même la dissolution pure et dure des formations politiques refusant de jouer le jeu électoral en s'abstenant de participer aux élections. En effet, le département de Noureddine Bedoui, ministre de l'intérieur et des collectivités locales, s'apprête à soumettre au parlement le nouveau projet de loi sur les partis politiques. L'on sait d'ores et déjà que des mesures assez strictes seront prises contre ces formations apparemment «récalcitrantes», aux yeux du ministre de l'intérieur. Ce dernier a vivement critiqué les partis ayant décidé de boycotter les prochaines élections législatives. L'allusion ne souffre aucune ambiguïté. Dans le viseur : le parti de Talaie El Houriyet d'Ali Benflis ainsi que Jil Jadid de Sofiane Djillali. Deux partis qui ont décidé de ne pas prendre part aux échéances d'avril prochain. Noureddine Bedoui est allé jusqu'à s'interroger sur l'utilité d'obtention d'un agrément si les demandeurs n'en font pas bon usage sur la scène politique et privent par là même leurs militants de participer aux législatives. «Nous ne délivrons pas d'agréments pour participer uniquement aux élections présidentielles», a-t-il martelé avant de préciser que l'octroi d'agrément sera dorénavant soumis à d'autres conditions, visiblement draconiennes. «L'octroi d'agrément sera conditionné par la participation aux échéances électorales. Des sanctions seront décidées à l'encontre des formations qui ne contribuent pas à l'animation de la vie politique», a-t-il expliqué devant les membres de la commission des finances et du budget de l'Assemblée populaire nationale, lors du débat de la loi sur le règlement budgétaire de 2014. Et de s'interroger : «Pourquoi les partis politiques obtiennent-ils l'agrément ? Est-ce pour prendre part uniquement aux élections présidentielles?». En somme, des déclarations qui sonnent comme une menace claire et directe à l'endroit des «boycotteurs». Interrogée sur la question, la constitutionnaliste, Fatiha Benabbou ne cache pas son étonnement quant à ces mesures «restrictives» que s'apprête à prendre le département de Bedoui. Selon elle, la Constitution révisée contient déjà des mesures assez contraignantes. «Et si le ministère de l'intérieur tente de changer les conditions d'octroi de l'agrément des partis, il risque de se heurter aux dispositions de l'article 52 de la Constitution. Il ne peut imposer d'autres conditions hormis celles contenues dans cette disposition qui énonce que (art. 52.16)... Le droit de créer des partis politiques est reconnu et garanti», rappelle-t-elle. Selon la juriste, une loi organique ne peut introduire d'autres conditions que celles déjà énoncées par l'article 52 de la Constitution. Et si l'on passe quand même à exécuter ces mesures «liberticides», ajoute notre interlocutrice, «Le projet de loi organique, qui passe obligatoirement et préalablement devant le conseil constitutionnel, avant sa promulgation, risque d'être déclaré inconstitutionnel». S'agissant du boycott, Fatiha Benabbou précise que la loi actuelle autorise cette option jusqu'à 4 élections. D'autre part, «le boycott – de plus de 4 élections consécutives – n'est pas une condition de validité pour l'agrément d'un parti politique, mais plutôt une condition de dissolution (cf. article 70 sur les partis politiques). Il faut distinguer, donc, entre les conditions d'octroi de l'agrément et les conditions de dissolution des partis politiques», affirme la constitutionnaliste.