Bien qu'ils se soient effrités à travers le temps, on retrouve 3 121 proverbes propres à l'Algérie et au Maghreb, regroupés dans «Proverbes de l'Algérie et du Maghreb», un ouvrage conséquent de 700 pages, écrit par l'illustre Mohamed Bencheneb et réédité en 2013 par Flites Editions. Un ouvrage, donc, riche et profond, présenté avant-hier à la librairie de l'Anep Chaïb-Dzaïr, à Alger, par Dr Ahmed Grigahcène. «Pour présenter ce livre pas comme les autres, j'ai dû chercher quelqu'un qui soit à la hauteur. Du coup, j'ai trouvé une personne qui fréquente les étoiles», dira Sid Ali Sekhri, modérateur des rencontres littéraires de l'Anep, en présentant le docteur en astronomie et chercheur au CRAAG, Ahmed Grigahcène. Ce chercheur et homme de science dira que c'est en se penchant sur l'histoire de l'astronomie en Algérie, qu'il découvrit Mohamed Bencheneb. «Il se trouve qu'il y a eu une centaine d'Algériens qui ont travaillé sur l'astronomie en Algérie. Ces derniers ont même laissé de nombreux travaux… De ce fait, j'ai trouvé un livre édité par le professeur Bencheneb sur la critique d'un ancien livre ‘'El Moumtiê fi Charhi El Mouqniê'‘ (le divertissant pour expliquer le convainquant), connu dans les zaouias. En me penchant sur la question et sur le fait que Bencheneb, ainsi que d'autres observateurs se réunissaient au début du Ramadhan afin d'observer El Hilal (la lune), m'a fait pencher sur la grande oeuvre de Bencheneb. On dit que ‘'Maârifat Erdjel knouz'‘ (la connaissance des hommes est une richesse) eh bien, Bencheneb lui-même était une richesse», a souligné A. Grigahcène. Le conférencier ne manquera pas aussi de rappeler le grand travail qu'a mené Bencheneb sur le patrimoine algérien, puisque, dit-il, «Bencheneb n'était pas seulement un homme de lettres, il était multidimensionnel». «C'était un intellectuel, un homme d'une grande culture, un poète. Il a publié plus de cinquante bouquins, des articles, parlait plus de six langues… Il s'avère aussi qu'il a mené un travail sur l'Algérien en tant que citoyen… C'était le premier Algérien à avoir fait les sciences humaines, le premier Arabe à avoir obtenu le baccalauréat… C'était un docteur et un cheikh en même temps», poursuit l'astronome Grigahcène en revenant sur la vie, le parcours, l'évolution professionnelle, intellectuelle et personnelle et sur toute la biographie de Bencheneb depuis sa naissance, en 1869 à Médéa, à sa mort ,en 1929 à Alger. «On cherche toujours le nom de la famille qui lui a cédé la place à Sidi Abderrahmane où il est enterré. Sur sa tombe, on trouve un turban qui indique et distingue que la personne enterrée est savante. Comme le dit Abderrahmae El Djilali, qui était son élève, dans un témoignage», indique A. Grigahcène. Dans la seconde partie de la conférence, A. Grigahcène s'est penché sur les proverbes. Cette «sagesse des nations et l'expression de leurs caractères, de leurs mœurs, de leurs coutumes, quoique parfois, ils se trouvent en contradiction avec leurs maximes et leurs dictons», peut-on lire dans l'introduction du livre de Bencheneb, qui dit aussi que les proverbes sont une «formule concise d'observation et de comparaison, d'images expressives, d'allusions à des circonstances fortuites ou imprévues. Elles peuvent être considérées comme les résumés des opinions, des pratiques, des préjugés, et comme l'expression de sentiments universels que l'on trouve presque partout quant au fond : la forme seule varie». En effet, à l'aide d'un proverbe, on fait taire un bavard, on ravive une conversation, on concilie les cœurs, on évite les longs discours, répare une erreur… et même s'ils se sont un peu érodés à travers le temps, les proverbes restent une partie de nous mêmes, une facette de notre histoire de notre patrimoine qu'il faut conserver, a-t-on affirmé au cours de la conférence. Conseils et réconfort «On a besoin de ce corpus pour comprendre la société. Le proverbe est un mot générique qui comporte en lui-même des pensées et renferme des textes qui traduisent l'âme et la sagesse du peuple, tout en trouvant des choses contradictoires. C'est aussi le fruit d'un contexte et son utilisation multiple. Il vient aussi réconforter l'individu en le prévenant ‘'Eli ybekker âla chghalou qdhaha'‘ (la vie appartient à ceux qui se lèvent tôt) ou pour être plus terre à terre ‘'Koul âtla fiha khir'‘ (vaut mieux tard que jamais). Ce qu'on peut aussi apprendre chez Bencheneb, c'est l'origine des proverbes. À titre d'exemple, on dit : ‘'Elli âtah el âti mayechqa maibati'‘, alors que Bencheneb remonte à la source du proverbe et dit : ‘'Elli âtah el âti, ledjbal lih Ettatti'‘ (celui qui est gâté par Dieu, aura les montagnes à ses pieds). Les 3 121 proverbes qu'a recueillis Bencheneb résultent, entre autres, de ses voyages au Maroc et en Tunisie. Dans son livre, on trouve l'origine de chaque proverbe en respectant sa langue d'origine tout en étant traduit avec une grande limpidité. Dans une langue belle et musicale», dira A. Grigahcène. A la fin de la conférence, le public, très impliqué, donnera tour à tour des proverbes faisant rire l'assistance aux éclats, tels que «Elli mwalef Belhfa yenssa sebbatou», «Smaâ bel hammam, âara f'esqifa», «Moul ettadj ou yehtadj», «Zwadj lila ou edbartou âam» etc.