On ne sait plus à quel Aissa se vouer dans la sulfureuse histoire des adeptes des Ahmadites en Algérie. Le ministre des Affaires religieuses, puisque c'est de lui qu'il s'agit, vient d'étonner tout son monde par son ton curieusement conciliant, voire presque sympathique à l'égard des partisans de cette secte. A l'Institut diplomatique et des relations internationales (IDRI), et au milieu d'un aréopage de diplomates et autres esprits théoriquement ouverts, le ministre des cultes a étalé tout son esprit de tolérance et de respect de la liberté de conscience s'agissant des partisans du rite ahmadite. A la bonne heure ! A un certain moment, on avait même douté que c'était bien notre Mohamed Aissa qui prêchait cette belle parole gorgée de respect de l'autre et qui sent un beau parfum de coexistence pacifique. C'est à tomber à la renverse ! Oui, comment ne pas se remémorer les sermons incendiaires du même Mohamed Aissa contre les Algériens ayant embrassé l'ahmadisme qu'il a traités de tous les noms d'oiseau ? Le ministre des Affaires religieuses a manqué de dresser un bûcher à ces musulmans d'un autre genre, coupables de porter gravement «atteinte» au référent religieux algérien… Que les choses soient bien claires : les propos «hard» contre les Ahmadites étaient d'une causticité telle qu'ils ne sont pas sujets à interprétation. Facteur aggravant, Monsieur le ministre qui nous promettait l'islam des lumières de Cordoue (?) se faisait un malin plaisir de réitérer à l'overdose ses «saintes» attaques contre ces Ahmadites qu'il a érigés au rang peu glorieux de menace contre l'unité nationale, au rite malékite, voire de metteurs en scène d'un chaos en Algérie qui serait concocté dans les laboratoires occidentaux… De la haute voltige politico-religieuse. Du coup, Mohamed Aissa a réussi maladroitement à victimiser les membres de cette secte qui sont arrêtés quasi quotidiennement dans les quatre coins du pays. Certains diplomates occidentaux s'affolent et accourent dans ses bureaux pour lui demander de mettre fin à cette chasse aux Ahmadites. Ne voilà-t-il pas que notre sympathique ministre revient subitement à de meilleurs sentiments. A la bonne voie, celle de la tolérance religieuse et de la liberté de conscience qu'enseigne le Saint Coran, et qui sont, soit dit en passant, gravés dans le marbre de la Constitution. Tant mieux que le ministre des Affaires religieuses ait repris son esprit sain qui aurait dû être le sien dès le début de cette malheureuse affaire mal traitée. Il y a en effet un fossé abyssal entre dénoncer la «secte ahmadite qui menace le référent national» et des «individus qui ramassent l'argent sans autorisation». On est sur deux registres délictuels totalement différents. Le ministre a raison de condamner des gens - quels qu'ils soient - de faire des quêtes sans en être dûment autorisés. Mais il a eu tort de lancer une croisade contre les adeptes de l'Ahmadia qui sont, par la force de la loi, libres d'adorer qui ils veulent et de prier comme ils veulent. «Point de contrainte en religion». «A vous votre religion, à nous la nôtre». Le ministre aurait pu, aurait dû simplement relire quelques versets du Coran avant de brandir son Seif el Hadjadj. Dommage qu'il se soit empressé de passer à l'acte avant de découvrir qu'il a été un peu trop loin dans sa diatribe de mauvais goût qui a sans doute écorné sa réputation jusque-là immaculée. Mohamed Aissa d'il y a un mois et Aissa Mohamed d'il y a deux jours ne sont pas les mêmes. Nous retiendrons bien volontiers celui qui a prêché ex cathedra à l'IDRI que l'islam algérien est fait de tolérance, d'amitié, de respect de l'autre et de la différence. Cela vaut mieux en le disant. Amin.