Paru aux éditions Casbah, l'ouvrage de Mustapha Cherif, l'Emir Abdelkader, apôtre de la fraternité, renvoie à la vie de cet illustre personnage qui a suscité souvent débats et controverses. Il est indéniable que la littérature à foison sur ce sujet a rappelé souvent ses faits d'armes, son érudition, sa personnalité charismatique et son rôle de combattant de toutes formes d'oppression et d'intolérance. Mais cette fois-ci, le livre de Mustapha Cherif prône d'adopter l'enseignement de cette personnalité hors du commun à nos temps modernes si tourmentés. «C'est la vie de ce grand homme d'exception, de ce visionnaire magnanime, maître spirituel alliant rationalité et résistance, foi et réformes, que l'auteur nous invite ici à redécouvrir. Sa sagesse, son œuvre et ses combats sont un modèle à méditer pour nos temps troublés. Loin des compromis sans consistance et plus loin encore des affrontements dans la violence, l'Emir Abdelkader a perpétué la voie universelle du Prophète [QSSSL], de la juste mesure et du ‘'bel-agir'‘, sans exclusion aride ni concession facile. Plus que jamais, il est temps pour nous, hommes du XXIe siècle, de retrouver l'enseignement vivant de ce héros moderne», est-il mentionné par Mustapha Cherif qui exhorte à suivre ce leader charismatique. Fondateur d'un Etat moderne Dans ce récit, l'auteur, philosophe et islamologue relate avec détails la riche trajectoire de ce guerrier, mystique et fondateur d'un Etat moderne. Il a su marquer son temps par sa bravoure, son grand savoir et ses convictions en faveur de la justice, de la liberté et de la tolérance. Homme de foi et de principes, il s'est abreuvé aux sources du soufisme avec comme maîtres spirituels, son père Mahieddine, Abdelkader El Djilani et Ibn Arabi. En hommage à son héroïque combat contre le colonialisme et sa lutte pour la liberté, les Américains baptisèrent, en 1846, une ville d'Iowa El Kader chef-lieu de sa région natale. Et ce n'est qu'en 2006 que la France baptisa à Paris une place de l'Emir Abdelkader. «Il consacra sa vie à l'élévation spirituelle, au dialogue des civilisations, à la fraternité humaine et à la promotion du souffle de la rationalité dans le monde arabe. Il appréhendait l'avenir du monde, cherchant le moyen d'éviter les violences, les guerres, les confrontations, et de bâtir une civilisation commune. Plus que jamais, cet enjeu est d'actualité», précise l'auteur du livre. Spiritualité Lors de son exil à Damas, par son sens aigu de la justice et de la tolérance, il sauva dix milles chrétiens des églises orientales, ce qui lui valut la reconnaissance des représentations des puissances chrétiennes qui le remercièrent par des dons, et le pape le décora de l'ordre de Pie 9. Chamil, le chef musulman tchétchène, lui transmit une lettre de son exil russe et la franc-maçonnerie lui dressa ses félicitations. Cet échange de missives qui s'ensuivit a laissé croire à certains que l'Emir avait adhéré à la Loge. Par la suite, en 1865, il mit fin avec élégance au débat et aux relations avec la franc-maçonnerie. Certains esprits mal pensants ont tenté de le discréditer pour ses échanges de courriers avec cette coterie. Dans cet ouvrage, l'auteur témoigne que la vie de l'Emir a été fondée sur la spiritualité et l'humanisme tout en restant attentif aux besoins de la société humaine et du monde musulman. Ses voyages à Médine et à La Mecque et ses états spirituels sont consignés dans le Livre des Haltes. En outre, il exhorta la modernisation du monde arabe et la fraternité entre les peuples d'Occident et d'Orient, thématiques d'actualité qui suscitent moult débats à l'heure actuelle. Membre de la voie Qadiriya, il encouragea la pratique de l'Islam de toujours, celui de l'ouverture, du savoir et du patriotisme. En conclusion, Mustapha Chérif achève avec cette note optimiste qui résume la pensée de l'Emir : «Il a promu les valeurs spirituelles et humanistes de fraternité, d'entente entre les peuples qui sont des exigences politiques et de civilisation. Sur cette voie, l'Emir Abdelkader nous fait signe pour témoigner, pour tenter de sauver l'Orient et l'Occident, toute l'humanité».