L'Instance de concertation et de suivi de l'opposition (ICSO) ne pouvait pas aller plus loin que les deux congrès organisés en juin 2014 et mars 2016. L'aventure, déjà à l'agonie depuis des mois, s'arrête. C'est le président du RCD, un des acteurs fondateurs de ce regroupement de l'opposition, qui reconnaît les divergences. Mohcine Belabbas n'y va pas par trente-six chemins pour imputer l'échec de cette démarche à ses «ex-partenaires». «Je veux le dire devant vous aujourd'hui : nous n'avons pas été suivis par les autres acteurs de notre regroupement dans notre démarche de mobilisation pacifique», a déclaré le président du Rassemblement pour la culture et la démocratie, jeudi à Béjaïa, dans une allocution d'ouverture du camp d'été de la jeunesse libre de son parti. Rappelant que l'engagement du RCD dans ce regroupement d'opposition pour construire une transition démocratique est «indiscutable», Belabbas, qui semblait faire le procès de l'Icso, met ses membres devant leurs responsabilités. La plateforme de Mazafran, «fruit d'une bataille politique de nos militants», explique-t-il, met au centre des enjeux et des principes qui doivent présider à un vivre ensemble, d'égalité en droits, de solidarité et des mécanismes d'alternance au cœur desquels doit être institué un organe indépendant d'organisation de la compétition électorale. «Mais nous ne sommes pas naïfs ; une fois ces principes adoptés par tous, le plus dur est de changer le rapport de force, à savoir peser pour ramener le pouvoir à la table de la négociations», a-t-il soutenu, avant de réitérer la conviction de son parti qui croit dur comme fer que «la transformation du système politique qui oppresse notre peuple ne peut se faire de l'intérieur». Et c'est là que le président du RCD va enchaîner avec des piques dirigées, on ne peut plus clairement, contre les acteurs de l'Icso, notamment ceux qui, dans le passé, ont fait partie du pouvoir, particulièrement le MSP et l'ancien chef de gouvernement Ali Benflis. «Au fur et à mesure des crises successives, tous ceux qui ont accompagné la dérive au motif que le pire était de quitter le navire ont été broyés par la machine», dira Mohcine Belabbas. Depuis sa dernière réunion de janvier 2017 où il a été décidé de laisser libre choix aux partis de prendre part ou de boycotter les législatives du 4 mai, l'Icso a carrément disparu du paysage politique. Puis vint la déchirure lorsque des acteurs, dont Djilali Soufiane de Jil Jadid, Karim Tabou, l'ancien ministre Ali Benouari et autres acteurs, signent le 15 février l'acte de divorce dénonçant «la mascarade de la participation» au scrutin. Avec les propos de Mohcine Belabbas, il ne reste plus rien plus rien à espérer pour un cadre qui a longtemps cru et entretenu le rêve d'imposer pacifiquement le changement démocratique. L'heure est aux couteaux tirés ! Le président du RCD revient sur le limogeage d'Abdelmadjid Tebboune en faisant remarquer que le système est seulement «en phase de reconstruction de ses équilibres internes». Et, de son point de vue, «choisir ou soutenir une faction contre une autre, c'est semer des illusions que le changement est possible sans la mobilisation et le combat». Ce n'est «ni la conviction, ni le programme» de son parti, a-t-il tranché. A propos du débat sur l'application de l'article 102 de la Constitution, portant «déclaration d'empêchement du président», Mohcine Belabbas a, encore une fois, affiché sa démarcation des récents appels, estimant que «si destitution il y a, elle doit s'accompagner d'une mise à plat du système électoral, faute de quoi nous aurons un nouveau parrain désigné par les mêmes marionnettistes». Plus loin, il pense que «le problème n'est ni dans le feuilleton de l'interminable déchéance physique du chef de l'Etat, ni dans la vacance de pouvoir qu'il faudra combler». «Il s'agit d'un problème structurel dans le processus de décisions, de mécanismes de représentations sociales et politiques, de légitimité démocratique des institutions (…) qui ont fini par conduire à un déficit de vie politique». Pour y venir à bout de ce tableau critique, le président du RCD suggère que «la construction institutionnelle et administrative doit être repensée dans son ensemble». Mohcine Belabbès: «Le problème n'est pas l'article 102» Mohcine Belabbès a saisi l'opportunité du campus de jeunes organisé par son parti vendredi à Souk Letnine, sur la côte béjaouie, pour évoquer la situation politique nationale, dominée, faut-il le souligner, par la relance de l'application de l'article 102 de la constitution. «Le problème n'est pas seulement dans le feuilleton de l'interminable déchéance physique du chef de l'Etat», estime le leader du RCD. Car il ne s'agit pas, selon ses propos, de combler une vacance de pouvoir mais plutôt d'un «problème structurel dans le processus de décision à tous les niveaux, de mécanismes de représentations sociales et politiques et de légitimité démocratique des institutions», analyse Mohcine Belabbès. «La construction institutionnelle et administrative doit être repensée dans son ensemble», soutient-il. La réponse est claire et sans ambages en direction de certains acteurs politiques qui tiennent mordicus à l'application de l'article 102. A ce propos, Mohcine Belabbès rappelle que c'est son parti qui a appelé en premier dans le cadre de la plateforme de Mazafran à une transition démocratique. Mais il accuse les autres parties de cette initiative de s'être dérobées au moment de changer le rapport de force. «Nous n'avons pas été suivis par les autres acteurs de notre regroupement dans notre démarche de mobilisation pacifique», souligne le chef du RCD. Il ne perd cependant pas espoir de voir une nouvelle fois les partis politiques soucieux de l'avenir du pays mobilisés devant les périls qui s'annoncent pour agir ensemble. Il souhaite également voir les syndicats autonomes rejoindre cette mobilisation en dépassant l'éparpillement «pour se rassembler autour de l'autonomie de leur décision et la défense de l'emploi». La participation des syndicats autonomes dans la tripartite peut constituer un levier de mobilisation pour réunir le plus grand nombre, suggère par ailleurs Mohcine Belabbès.