Les trains n'ont pas bougé hier de leur gare. Pas de signaux sonores pour annoncer les départs ou les arrivées car les travailleurs du rail, tous services confondus, ont observé une journée de protestation. A la gare Agha, les locomotives sont à l'arrêt, les quais sont déserts. Il n'y avait aucun voyageur à l'horizon. Un travailleur gréviste, debout à l'entrée de la gare, explique aux usagers du train que le trafic ferroviaire est suspendu pendant toute la journée. Les voyageurs, dépités, rebroussaient chemin en direction des stations de bus. Certains ne comprennent pas le pourquoi de ce mouvement qui leur gâche la journée, leur compliquant un déplacement déjà difficile. D'autres se disent solidaires, estimant qu'ils souffrent tout autant de la cherté de la vie et de l'impossibilité d'y faire face avec un salaire dérisoire. Le mot d'ordre de grève a été suivi à plus de 95% à travers tout le territoire national, selon des représentants syndicaux. Un seul départ a été enregistré, celui de Alger-Oran, qui, nous dit-on, s'est passé «en infraction avec la réglementation de la SNTF car les mesures de sécurité n'ont pas été respectées». Dans ce train, nous explique-t-on, il n'y avait que deux membres d'équipage, un sous-directeur qui s'est mis dans le rôle de chef de train et un mécanicien. Le règlement stipule qu'un train régulier quitte le quai avec à son bord le chef de train, le contrôleur, le mécanicien et l'aide mécanicien, et c'est un minimum. Dans un communiqué daté d'hier, la Fédération nationale des cheminots (FNC) rappelle les engagements pris par la direction de la SNTF dont l'application devait être effective fin mars 2007. Pour la fédération, l'entreprise s'est mise en infraction du point de vue de la législation car elle doit appliquer les engagements de la convention de branches, dès lors que celle-ci a été signée et enregistrée. Les cheminots ne veulent plus attendre, surtout que le dossier de revalorisation de la grille des salaires est en instance depuis l'année 2006. Ils disent avoir eu plusieurs promesses formelles, mais toujours non appliquées. La direction générale aurait, selon eux, accepté la mise en œuvre d'un nouveau système de gestion des ressources humaines qui englobe la classification et la cotation des postes de travail, le déroulement des carrières et le système des primes de rendement. Dans ce cadre, rappelle la FNC, la SNTF a fait appel à un bureau d'études pour mettre en place ce nouveau système de GRH, après des accords conclus avec elle. Seulement, la classification et la cotation préconisées par l'étude ont été rejetées par la direction, indique la FNC, au motif de son incapacité à prendre en charge cette grille des salaires. La FNC, qui réclame l'application de cette grille, tente, depuis deux mois, de trouver un terrain d'entente avec sa direction mais sans pouvoir y arriver. Mardi, les négociations se sont déroulées en présence du chargé des conflits à la centrale syndicale mais la direction est restée inébranlable, indiquant qu'elle n'ira pas au-delà de 12% d'augmentation. Du côté du syndicat, il n'est pas question d'accepter cette proposition. «Pour nous, ce sont des miettes au regard des grands projets de modernisation et de développement du rail lancés par les pouvoirs publics. Si on veut que ce programme aboutisse, il doit être accompagné par des mesures en direction des ressources humaines», affirment les représentants des travailleurs. Le salaire de base mensuel brut d'un exécutant à la SNTF varie entre 12 024 DA et 13 121 DA, celui d'un ingénieur est de 15 836 DA, pour un hors cadre (le plus haut), il est de 24 186 DA. Un contrôleur rencontré au siège de la FNC est classé à la B2, il touche un salaire de base de 13 560 DA après 29 ans de service. Les syndicalistes affirment que cette politique des salaires provoque la fuite des compétences vers des opérateurs privés et étrangers, comme Alstom : «Le travail des cheminots est spécifique, des collègues acquièrent un savoir-faire et une maîtrise du métier après des années d'expérience et une formation adéquate. Il faut arrêter cette saignée des compétences, une perte que va supporter l'entreprise.» La FCN prévoit une autre journée de protestation, la semaine prochaine, dans le cas où la direction générale ne répond pas favorablement à ses revendications. Les cheminots campent sur leurs positions et menacent même d'une grève illimitée dans les prochains jours.