Il a encore suffi d'un furtif orage de quelques minutes qui n'a même pas mouillé tout Alger pour que la panique et l'enfièvrement s'emparent de ses habitants. Ce n'est donc toujours pas difficile de faire bouger les algérois et même un peu plus : faire d'eux des automates qui ne savent pas penser à autre chose qu'au pire. Mais est-ce vraiment de leur faute s'ils prennent leurs jambes à leur cou à la moindre ondée qui se pointe au-dessus de leurs têtes ? «Sûrement pas, mais bien au contraire quand même» comme dirait l'autre. C'était à peine croyable, avant-hier sur l'autoroute. Dix-sept heures passées de quelques minutes, la circulation peut-être un peu fluide pour l'heure de pointe qui approchait, tout se passait «normalement» quand la «chose» est arrivée. Une petite pluie, de celles à qui des enfants fous du bonheur de se rafraîchir de façon aussi spectaculaire qu'inattendue offriraient généreusement le visage dans des éclats de rire tonitruants. Mais au lieu de «ça», voilà que s'installe en moins de temps qu'il ne faut pour le dire une débandade aux relents de catastrophe. Klaxons inexplicables, envahissement de première sortie disponible, regards apeurés comme si le pire menaçait et déjà les premiers dérapages que rien ne pouvait explique. Trois accidents pour une larme d'eau de juillet entre Ben Aknoun et quelques centaines de mètres plus loin, ça n'arrive qu'aux chats échaudés. Pourtant tout le monde, ceux qui étaient au volant comme ceux installés sur les autres sièges devaient fatalement avoir cette phrase à la bouche : Alger se noie dans un verre d'eau. On parle d'un «verre» mais on pense au déluge. Bab El Oued n'est jamais bien loin, même si on s'efforce de conjurer le sort, toucher du bois dans un bruit de ferraille. La veille des rumeurs grossies jusqu'à l'éclatement évoquaient une météo cauchemardesque dont personne ne connaît l'origine. C'est gros, c'est donc vrai. Et vogue la galère. Surtout que le soir même, une minuscule tornade «confirmait» tout ce qui avait été dit. Le début par lequel l'orage sur l'autoroute installait définitivement la certitude. C'était pourtant la fin d'un début qui n'a pas eu lieu. Une petite ondée qui ne confirmait rien annonçait un peu moins que rien. A quelques mètres du dernier dérapage, juste avant la bretelle de Club des Pins, le bitume n'était même pas mouillé. Cet e-mail est protégé contre les robots collecteurs de mails, votre navigateur doit accepter le Javascript pour le voir