Les attaques perpétrées à Jakarta seraient l'œuvre d'un groupe islamiste radical dirigé par Noordin Top, l'homme le plus recherché en Asie. La nouvelle poussée terroriste inquiète les opérateurs locaux et risque de faire tache d'huile dans cette partie du globe. Les autorités indonésiennes ont la certitude que les deux attaques terroristes perpétrées avant-hier à Jakarta sont l'œuvre du groupe islamiste radical dirigé par Noordin Top. Le chef du service anti-terrorisme au ministère de la Sécurité parle de «fortes indications» sur l'implication de ce groupe dans les deux attentats, précisant que le modus operandi suivi par les kamikazes est conforme aux tactiques usitées par le passé par la Jamaâ Islamia lorsque cette dernière a lancé une vague d'attentats particulièrement meurtriers sur Bali en 2002 et 2005, l'hôtel Mariott de Jakarta en 2003 et l'ambassade d'Australie en 2004. De plus, indique le même responsable, l'analyse des débris des deux bombes utilisées montrent que celles-ci sont «identiques» aux engins explosifs découverts dernièrement à Cilacap, à l'ouest de l'île de Java, dans une maison qui aurait servi de cachette à Noordin Top. Malgré la traque antiterroriste qui n'a pas faibli d'un cran depuis 2005, et l'arrestation depuis de centaines de sympathisants de la Jamaâ Islamia, les autorités n'ont pu mettre la main sur Noordin Top. Ce comptable malaisien qu'on dit être l'un des principaux animateurs de la Jamaâ et le cerveau des opérations kamikazes qui ont ensanglanté l'Indonésie cette dernière décennie demeure insaisissable, certainement grâce aux complicités dont il bénéficie auprès des réseaux islamistes clandestins appelant à l'instauration d'un Etat islamique dans ce pays. Pour les analystes, les deux derniers attentats montrent la détermination de ce groupe extrêmement violent à aller jusqu'au bout de ses convictions. Comme le reconnaissent les autorités, la mouvance dirigée par Top est «politiquement et idéologiquement motivée» pour établir un Etat islamique en Asie du Sud-est, précisément dans le plus grand pays musulman, l'Indonésie, un archipel de 240 millions d'habitants en majorité de confession musulmane. Le tourisme,cible privilégiée Le 12 octobre 2002, deux voitures piégées explosent à Bali, faisant 220 morts et plus de 300 blessés parmi des touristes dont de nombreux étrangers. Le message de la Jamaâ Islamia était clair : détruire l'économie indonésienne basée essentiellement sur l'industrie du tourisme et dont le modèle phare n'est autre que l'île de Bali, pour ensuite s'emparer du pouvoir, quitte à morceler le territoire en plusieurs enclaves. Un pari complètement déraisonné eu égard à l'immensité du territoire indonésien qui s'étend sur quelque 2 millions de km2 et qui englobe pas moins de 17 508 îles de différentes dimensions. La violente réaction des autorités qui ont fait appel à l'aide des Etats-Unis et de l'Australie, notamment pour contrer la menace terroriste, n'a pas dissuadé les activistes islamiques de frapper à nouveau. Le 1er octobre 2005, une série d'attentats ébranle Bali, provoquant la mort de 23 touristes et blessant 130 autres. L'action est revendiquée cette fois par Al Qaïda, qui entendait intensifier la lutte contre l'Occident en fédérant tous les mouvements islamistes radicaux. Même assurées d'un appui international, les autorités indonésiennes craignent que la résurgence des attentats terroristes affecte durablement l'économie, le tourisme essentiellement, qui procurent de substantiels revenus au pays. Beaucoup d'opérateurs économiques indonésiens, en effet, ne partagent pas les convictions du président Susilo Bambang Yudhoyono qui s'est voulu rassurant lorsque, en réaction aux attentats d'avant-hier, il avait indiqué que le retour du terrorisme ne menacerait pas la stabilité et le développement économique du pays. Tache d'huile Redoutant d'autres attentats, les autorités indonésiennes ont appelé les grands hôtels et les centres commerciaux à relever leur niveau de sécurité. Dans le même temps, elles ont dépêché 500 militaires en renfort pour appuyer les unités de police en cas de besoin. La tension créée en Indonésie après les attentats de Jakarta a eu des répercussions sur l'ensemble des pays limitrophes, dont certains, comme la Malaisie et les Philippines, craignant la survenue de pareils actes sur leurs territoires, ont augmenté le niveau de sécurité dans les endroits sensibles, tels les hôtels et autres établissements fréquentés par les touristes étrangers. L'Australie, dont deux ressortissants au moins ont trouvé la mort à Jakarta, a réagi en appelant à la prudence ses touristes, en particulier ceux très nombreux qui se rendent à Bali. En signe de solidarité avec le peuple et le gouvernement indonésien, le ministre des Affaires étrangères australien, Stephen Smith, s'est déplacé hier à Jakarta. Pour lui, il est très important de soutenir l'Indonésie dans sa lutte contre la barbarie terroriste. Les deux attentats ont causé 8 morts dont deux australiens, un néo-zélandais et un singapourien. Parmi les trois autres corps non identifiés pourrait se trouver un troisième australien. Dans un précédent bilan, les autorités indonésiennes avaient annoncé la mort de 9 personnes.