L'Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail (Afsset) a rendu public un avis sur les liens entre cancers et environnement, se fondant sur un rapport publié en octobre par l'Inserm. Ce texte, considéré comme «trop prudent» par les associations, soulignait le rôle «avéré» ou «débattu» pour le développement de cancers de nombre d'agents «physiques, chimiques ou biologiques» présents dans l'air, l'eau, les sols ou l'alimentation. L'Afsset a complété ce rapport par des auditions de personnalités, de spécialistes ou d'associations. «Il y a une énorme masse de cancers qu'on ne peut expliciter aujourd'hui», a souligné Martin Guespereau, directeur général de l'agence. Pour lui, peu sont de fait explicables par un seul facteur (amiante, tabac), la plupart se reliant à «des facteurs croisés». La génétique et le vieillissement jouent un certain rôle, mais «la part de l'environnement est majeure», selon le professeur Gérard Lasfargues, chef du département d'expertises de l'agence. Il reconnaît qu'«il y a beaucoup de trous dans les connaissances sur les mélanges et les données d'exposition à long terme». Pour mesurer les multiexpositions, il faudrait non seulement additionner les impacts à tous les niveaux (domestique, professionnel, loisirs) mais aussi étudier les interactions entre substances. En outre, les pluriexpositions peuvent survenir «à des moments et en des lieux différents». «Alors, comment s'y prend-on pour faire reculer les futurs cancers ?», a lancé le directeur de l'agence, qui rappelle la hausse de leur nombre, même s'il y a relativement moins de décès. Le directeur général de l'Afsset cite l'exemple du dichlorométhane, qui n'est pas classé cancérigène à ce stade et dont 11 000 tonnes sont utilisées par an tous azimuts, pour des matières plastiques, des parfums... «On attend d'être sûr des effets ou on agit aujourd'hui ?», demande-t-il, préconisant de «développer une logique de précaution». L'Afsset suggère ainsi la substitution des agents dont le potentiel cancérogène est en débat par d'autres substances moins dangereuses. Elle estime aussi qu'il revient aux industriels et acteurs socioéconomiques de faire la preuve de l'innocuité de leurs produits, notamment pour les plus récents comme les nanoparticules. Il faut aussi, en milieu professionnel, «renforcer les contrôles de l'application de la réglementation». La semaine dernière, l'Afsset avait déjà recommandé un renforcement immédiat de la protection des travailleurs exposés au formaldéhyde (formol), soit 190 000 travailleurs dans une centaine de professions. Enfin, pour une bonne évaluation des risques, l'Afsset estime qu'il faut multiplier les études et croiser toutes les disciplines telles que «toxicologie, étude des expositions et sciences humaines et sociales». En 25 ans, la fréquence de survenue du cancer en France a quasiment doublé chez l'homme (+93%) et fortement augmenté chez la femme (+84%). Cette hausse ne peut être attribuée qu'en partie à la poussée démographique (pour 25%) et au vieillissement (20%).