Jamais peut-être les dispositions d'une loi de finances n'ont induit autant de réactions que la loi de finances complémentaire de 2009. Particuliers, entreprises ou institutions y sont allés de leurs commentaires, le plus souvent hostiles aux mesures prises car heurtant des habitudes récemment acquises en matière de consommation et de crédit en général. De l'autre, le gouvernement, sans doute effrayé par la facture des importations qui a tendance à augmenter de manière exponentielle et menace de réduire à néant à court terme les réserves de change, surtout dans le contexte de crise mondiale, pouvait-il faire autrement ? S'agissant des particuliers, ils ne pouvaient qu'être choqués par l'article 75 de la loi de finances de 2009 stipulant que les banques ne sont autorisées à accorder des crédits aux particuliers que dans le cadre des crédits immobiliers. Fini donc le financement à crédit des biens de consommation, comme le véhicule, le frigo ou le voyage touristique. Pour le plus convoité de ce type de produits, à savoir l'automobile, le particulier devra se rabattre sur le marché de l'occasion, et il est plus qu'évident que ce marché va s'enflammer au détriment du consommateur. On comprend donc que ce dernier ne puisse qu'avoir une réaction tout à fait défavorable à l'égard d'une pareille décision. Mais l'on sait qu'en Algérie, le consommateur n'est pas encore le roi qu'il est censé être ailleurs. Qui dit absence de crédits, en prenant toujours comme exemple l'automobile, il ne faut pas être grand clerc pour pronostiquer l'impact sérieux qu'aura la mesure sur les ventes des véhicules neufs qui chuteront de manière drastique, et plus le plongeon sera profond, plus la grogne des importateurs, concessionnaires et revendeurs sera élevée. Et, enfin, il est absolument clair que les banques dont le crédit à la consommation est un des produits les plus «juteux» ne peuvent qu'accueillir de façon hostile une mesure qui leur ôte un marché réputé porteur en Algérie. D'un autre côté, les institutions financières étrangères établies vont également se sentir lésées sur le plan culturel et managérial. Comme elles vont interpréter la mesure à l'instar d'une injonction, indue en ce cas, des autorités publiques, elles vont ruer dans les brancards et arguer qu'en contexte d'économie de marché, seul ce dernier régule le fonctionnement d'une banque, laquelle banque s'inscrit, par ailleurs, dans un contexte juridique prédéfini à leur fondation. Quels objectifs poursuit le gouvernement ? A l'évidence, le premier objectif visé est de réduire la facture en devises, car de ce point de vue, la relance par la consommation, en l'absence de production locale, est un non-sens. Il y aura donc gain en devises, ce qui correspond bien «au patriotisme économique», mais celui-ci ne commande-t-il pas de le compléter par la relance économique par l'investissement ? Il apparaît également que par cette mesure dont il ne peut ignorer le caractère coercitif, donc impopulaire même si ce n'est que passagèrement, le gouvernement, et c'est dit explicitement dans la LFC 2009, veut orienter le crédit à la consommation uniquement vers l'immobilier, sachant que la question du logement demeure encore et toujours un casse-tête chinois, pour utiliser l'expression consacrée. Et, par le biais de cette loi, le gouvernement ne veut-il pas amener les constructeurs automobiles à investir en Algérie, comme ils le font chez nos voisins, au moins dans des usines de montage, plutôt que de se contenter d'installer ce qui ne ressemble qu'à des points de vente.Il demeure qu'il est encore tôt pour rendre lisible l'impact entier qu'auront ces mesures dans le champ économique réel, et l'on sait qu'en ce domaine, le plus à craindre, c'est ce que la théorie économique nomme «les effets pervers».