Ce sera certainement la première fois que des parents d'élèves particulièrement inspirés demandent le report de la rentrée scolaire pour une raison aussi saugrenue que sa coïncidence avec «les préparatifs de l'Aïd». Pourtant, ce ne sont pas les vrais problèmes qui manquent pour que des Algériens à l'imagination franchement débordante aillent en chercher d'autres. Et de «revendiquer» dans la foulée des solutions souvent à portée de main. Elles sont faciles, les solutions, quand on les a avant les problèmes. Se préparer donc tranquillement et sérieusement pour l'Aïd est tellement important que retarder la reprise des classes de deux semaines serait l'idéal pour des parents zélés quant à la «qualité» de célébration d'un moment de joie et de spiritualité que personne, jusque-là ne soupçonnait d'être si exigeant. La propension à prendre au sérieux jusqu'au ridicule des choses qui auraient dû se passer dans la décontraction, le fétichisme de mauvais goût et la disponibilité à sacrifier l'essentiel pour le futile ont la peau dure et toutes les chances de faire de vieux os. Une rentrée scolaire, elle, se prépare par contre. C'est même tout un programme, dans la mesure où aucune rentrée ne ressemble à une autre en dehors évidemment de quelques formalités rentrées depuis le temps dans le réflexe routinier et le geste machinal. L'écrasante majorité des algériens ne doit même pas savoir qu'il faut une «préparation» spéciale pour l'Aïd. Eh bien, ils vont apparemment le découvrir de la plus incongrue et la plus spectaculaire des manières de la bouche de leurs compatriotes les plus géniaux qui leur proposeront de rallier leur cause : souhaiter et peut-être bien faire pression sur l'autorité pour renvoyer à plus tard la reprise de l'école, événement manifestement négligeable. Trouver les meilleurs ingrédients pour les gâteaux, s'entraîner au changement de régime et redoubler d'ingéniosité pour le décor de la maison, ça mérite bien de chambouler un programme scolaire et prolonger les vacances de toutes façon rattrapables sur les chaleurs d'été ou pas rattrapables du tout. Il serait intéressant de savoir si ces âmes inspirées ont pesé le pour et le contre d'une telle idée, mais elles ne doivent pas se poser de questions : elles sont déjà dans le sacré et dans cette posture, ça fait longtemps qu'on se sent forcément dans son droit. Quand bien même le droit en l'occurrence a fixé la rentrée scolaire au 13 septembre. Se préparer pour l'Aïd est une autre histoire. Cet e-mail est protégé contre les robots collecteurs de mails, votre navigateur doit accepter le Javascript pour le voir