Jamais une loi de finances complémentaire n'aura suscité un tel niveau de controverse. Telle que réfléchie et ensuite rédigée et livrée à l'application immédiate, la loi de finances complémentaire 2009 semble aller totalement à l'encontre des objectifs solennellement affichés et déclarés par le gouvernement , en l'occurrence la promotion d'une philosophie d'affaire qui privilégie la préférence nationale et le produit local. De par leur imprécision et une certaine illisibilité certains chapitres essentiels du texte sont en train de nourrir une véritable polémique aussi bien dans les rangs du simple citoyen que chez les professionnels qui se retrouvent noyés dans un flou réglementaire entraîné par le manque de clarté de ces passages. Il en est ainsi par exemple de l'article qui fait obligation aux opérateurs de régler leurs importations exclusivement par crédit documentaire. Cette disposition, qui semble avoir été prise à la hâte et sans grande concertation, a fait sourire plus d'un, notamment les banquiers, qui n'arrivent pas à comprendre comment on peut imposer un tel mode de paiement qui est reconnu coûteux, contraignant et souvent difficile à mettre en place. Entorse au patriotisme économique C'est également une disposition qui ne manquera pas de faire le bonheur de tous les partenaires et autres fournisseurs de l'Algérie qui se voient ainsi à travers ce crédit documentaire royalement servis. En décodé, il faut comprendre par cette mesure que la loi de finances complémentaire dans cet article (art 69) garantit en fait un avantage sûr et inespéré exclusivement pour les opérateurs étrangers. Bien sûr au détriment des Algériens. Ce qui peut d'ores et déjà s'apparenter à une grave erreur de stratégie dans la mesure où l'intérêt primordial de la partie algérienne est de suite évacué et négligé. Sans un prompt et réfléchi sursaut du gouvernement pour y apporter les correctifs nécessaires, cette disposition, qui rend le recours au crédit documentaire systématique pour toute importation, l'Algérie pourrait comptabiliser d'énormes pertes financières. Pis encore, puisqu'il y va également de sa crédibilité. Au bénéfice exclusif de l'étranger D'ailleurs, même les professionnels de la finance, les banquiers et les cadres de la Banque d'Algérie nous ont avoué leur étonnement quant à l'inopportunité de cette décision et son «danger» pour les affaires. A qui profite donc cette disposition ? Pour y répondre il faut d'abord comprendre qu'un crédit documentaire est un mode de paiement qui intervient dans le commerce extérieur et qui est reconnu comme étant le plus sûr et le mieux sécurisé. Il est aussi le plus cher car générant des frais et commissions payables par l'importateur, qui les répercutera ensuite sur les consommateurs. Il est également complexe car long et contraignant toujours pour l'importateur, qui reste lié tout au long de la durée de validité du crédit documentaire qu'il ne peut en aucun cas annuler sans l'accord de son fournisseur. Dans la pratique d'ailleurs d'un crédit documentaire, le fournisseur étranger est appelé le «bénéficiaire». Bénéficiaire de quoi ? Eh bien tout simplement d'une garantie de paiement et de la pleine assurance d'être réglé dès qu'il apporte la preuve documentaire d'un envoi de marchandise à son acheteur. Alors que de son côté l'importateur ne peut être assuré que de la réception dans les délais de la marchandise commandée. Il est lui fait obligation de payer quelle que soit sa situation. En clair, dans ce mode de paiement, le grand gagnant, c'est celui que les banquiers appellent le bénéficiaire, c'est-à-dire le fournisseur. Sous cet angle, il devient aisé de conclure que la loi de finances complémentaire 2009 dans sa disposition controversée sert beaucoup plus les intérêts des fournisseurs étrangers, qui se voient ainsi réglementairement privilégiés. Plus grave encore, les incidences financières engendrées par les importations par crédits documentaires seront énormes et c'est le citoyen qui les supportera. Pourtant, dans la pratique universelle, un crédit documentaire est rendu nécessaire et opportun lorsque l'importateur et son fournisseur ne se font pas confiance ou sont engagés dans des opérations d'importations de haute facture qui nécessitent l'intervention bancaire pour la mobilisation de la ressource et de la garantie. Incidences financièrement lourdes Comment donc s'immiscer dans les relations d'affaires liant de opérateurs, allant même jusqu'à leur imposer un climat de méfiance ? En règle générale, trois modes de paiement sont utilisés pour régler les importations, à savoir le crédit documentaire, la remise documentaire et enfin le transfert libre. Pourquoi donc la nouvelle loi de finances interdit-elle la remise documentaire et le transfert libre, qui sont des moyens de paiements souples et garantissant en priorité l'intérêt de l'importateur algérien ? Comment se fait-il que l'autorité monétaire interdit à un Algérien de bénéficier d'une facilité de paiement et de commerce que lui accorde son partenaire algérien ? Autant d'incohérences qui risquent de donner lieu à un chamboulement coûteux de notre commerce dans le sens où les prix à la consommation pourraient sensiblement flamber, sans compter que l'approvisionnement utile et indispensable du pays pourrait également en souffrir avec la disparition forcée d'un certain nombre d'importateurs. Sans transition, la mesure aura des conséquences sur la marché puisque d'ores et déjà c'est la panique générale dans les ports et dans les banques. Un empressement étonnant a prévalu pour exiger l'application immédiate de ces mesures pour des marchandises en pleine mer ou en cours de déchargement.