La préparation de plats à base de poisson ne sera pas au menu des ménages à revenu moyen durant ce mois de Ramadhan. La raison essentielle de cette situation est l'excessivité des prix des poissons qui sont, en ce début du mois, carrément inaccessibles. Au port de Bouharoun, l'activité est carrément morte. Durant la matinée, un moment marqué par une intense activité des pêcheurs de retour pour écouler leur marchandise, le port était presque déserté. Ne circulaient que les agents chargés de la surveillance de la centaine de navires accostés au port ainsi que ceux de la maintenance. Pourtant, la quasi-totalité des bateaux n'ont pas quitté les quais des ports depuis plus d'une semaine. «Il n'y a pas preneurs», nous dira un pêcheur qui travaille au port de Bouharoun. «A chaque approche du mois de Ramadhan, la demande baisse de façon vertigineuse. Il n'y a pas beaucoup de clients, donc on cesse l'activité une semaine avant le début de ce mois sacré pendant près de quinze jours. Nous partirons en mer dès la semaine prochaine puisqu'il n'y a pas d'activité durant la première semaine également», nous a-t-il expliqué. Du poisson congelé au port Interrogé sur la provenance des aliments disposés à l'entrée du port et destinés à la vente, ce pêcheur nous dira que ce poisson n'est pas frais. «Ce n'est pas une marchandise fraîche. Nous ne sommes pas partis à la pêche depuis plusieurs jours déjà donc il ne peut pas y avoir de poisson sur le marché», a-t-il répondu en colère. «Ce sont des produits décongelés qui sont exposés à la vente ou péchés dans des oueds. Le poisson frais à Bouharoun n'existe pas», a-t-il ajouté. Pendant ces jours, les pêcheurs font de la réparation et de la maintenance sur leurs navires, histoire de reprendre l'activité dès la semaine prochaine. A quelques mètres de l'entrée «payante» du port, une dizaine de marchands sont alignés et proposent différents produits aux passagers. Les prix sont loin d'être abordables et la variété n'est pas à l'ordre du jour. La crevette royale est à 1500 dinars le kilogramme, la bonite à 500 dinars, l'espadon à 1500 dinars, le rouget à 1200 dinars. Les rares clients qui ont été autorisés à franchir la porte du port hésitent avant d'accepter de prendre la marchandise exposée. Une hésitation alimentée parfois par le doute sur des prix qui restent loin de la normale. L'inexistence de poisson frais ne justifie pas les prix affichés par les vendeurs. L'absence de contrôle ne fait qu'accentuer la situation. Faible production, prix élevés Certains pêcheurs rencontrés sur place estiment que le poisson a connu une hausse vertigineuse depuis quelques mois. «Cela est dû à la production qui est faible. Les prix du poisson ont flambé depuis plusieurs mois déjà en raison de la faiblesse de l'offre», diront-ils. D'autres estiment que la production n'a pas changé et imputent cette montée des prix aux spéculations provoquées par les mandataires. «Les pêcheurs ne fixent pas les prix. Ils travaillent et ramènent la marchandise qu'ils donnent intégralement aux mandataires. Ce sont eux qui fixent les prix d'achat et qui revendent le poisson aux autres vendeurs et détaillants. Le pêcheur n'a aucune responsabilité dans la vente et les prix», nous ont-ils expliqué. «Avant, c'était l'Etat qui fixait chaque matin les prix, c'était beaucoup mieux et à la portée de tous mais là les choses ont changé ce qui donne cette situation sur le marché», a-t-il indiqué. Ils ont évoqué aussi l'infiltration de ce métier par de nombreuses personnes qui sont étrangères au domaine. «Des gens se permettent d'acheter des chalutiers à des millions de centimes et les accostent dans le port. Ils travaillent mais ils n'ont aucun respect de la profession et de ses normes», ont-ils ajouté.