Il y a 15 ans, mais le souvenir demeure vivace et ses élancements restent douloureux. Cheb Hasni est tombé sous les balles des terroristes, le 29 septembre 1994, mais il continue de courir les rues de son quartier et de remplir de sa voix tous les recoins de sa ville natale Oran. Sur un des murs de Gambetta, la plaque qui commémorait sa disparition tragique a été descellée. Le mur ravagé par le vert-de-gris garde encore la trace de l'ultime hommage que lui avait rendu, le 7 août 2004, l'Association de promotion et d'insertion de la chanson oranaise (Apico). Le quartier inondé par les dernières intempéries qu'a connues Oran continue de fredonner Mazal kayène l'espoir comme pour rappeler à ceux qui ont les pieds dans la gadoue et qui sont sous la menace des effondrements qu'il faut encore espérer et que le salut viendra. Sa mère Hadja Oumria continue de vivre durement sa disparition. Entourée de ses enfants, elle coule des jours paisibles dans un petit F3, de la cité USTO, un endroit qu'elle habite depuis la mort de Hasni. Elle a préféré quitter l'endroit qui l'a vu naître en 1968, grandir et se faire assassiner. Mais qui ira fleurir sa tombe, envahie par herbes sauvages dans le cimetière de Aïn El Beïda ? Ses fans continuent de le pleurer, de fredonner ses airs et les producteurs continuent d'entretenir le mystère sur des œuvres que l'artiste disparu a enregistrées mais qu'il n'a pas mises sur le marché. «Même mort, ils continuent de profiter de son aura», dira Amar, un admirateur de cheb Hasni qui a créé un blog où se rencontrent tous les amateurs de raï sentimental. Parmi les hommages qui ont été rendus au rossignol disparu figure le documentaire de Djamel Khelfaoui, qui est revenu sur le parcours époustouflant d'un jeune Oranais qui disait ses sentiments crûment sans s'embarrasser des préjugés. L'amour, il le chantait avec les mots et le langage des jeunes. Il n'était pas pédant, et il taillait ses paroles dans le dur quotidien d'une jeunesse qui remplira, des années plus tard, les boat people pour aller périr au fond des mers. Galou Hasni mat, une chanson prémonitoire qui avait fait la renommée du chanteur. Et quand des balles assassines mirent fin à son ascension par un jeudi pluvieux du mois de septembre 1994, plusieurs pensaient que c'était un ultime canular, une blague comme savait en faire Hasni qui excellait également dans l'art de jouer au football. Il avait fais partie des jeunes catégories de l'ASMO. Malgré, la délocalisation du Festival du raï, le souvenir est resté vivace. Hasni est parti sans prendre «el visa». «Ma bqatch Elhedda», disait-il, mais il a fini par partir en se sacrifiant pour que l'amour ne soit pas trucidé ? Pour que l'amour reste cette ultime énergie et cette sève qui ressuscite les âmes quand le souffle se fait court. Dors en paix Hasni, même un siècle plus tard, nous te regretterons !