Etant un important vecteur de développement, le secteur des transports doit plus que jamais faire l'objet d'une politique de gestion plus rationnelle qui doit profiter seulement et uniquement au simple citoyen – on se limite ici au segment des transports de voyageurs –, cet usager anonyme sans qui le secteur n'a aucune raison d'être. S'il est admis que le secteur des transports a connu un certain sursaut depuis l'entame de la politique de libéralisation et d'ouverture au privé à partir des années 1990, avec la création d'entreprises privées, il reste livré à une anarchie qui ne dit pas son nom. De nombreux facteurs ont fait que ce sagement est aujourd'hui dans une situation carrément de non-droit, notamment en ce qui concerne son fonctionnement. Ce terrible constat, fait à partir de constations quotidiennes, ne concerne pas les transports de masses comme les bus, etc. Il se limite plutôt aux petits transporteurs qui font la pluie et le beau temps presque en toute impunité. Ils imposent un véritable diktat aux voyageurs. La ville de Tizi Ouzou et la nouvelle ville en sont la parfaite illustration qui étale sur la place publique, telle une gifle qu'on reçoit en pleine figure, cette déplorable situation dont les acteurs sont aussi nombreux. Du manque de préparation à l'urgence et la précipitation dans la réforme de ce secteur stratégique en passant par la passivité des services concernés par sa réorganisation et son contrôle, on s'est retrouvé face à de graves dysfonctionnements. Au lieu de constituer un vrai levier de développement, il a généré une anarchie sans précédent. Le diktat au quotidien A la ville des Genêts comme à la nouvelle ville, les milliers de voyageurs qui se déplacent quotidiennement en utilisant les petits fourgons sont soumis au diktat des transporteurs qui ne respectent aucune norme. D'abord il y a le non-respect des itinéraires. Les désagréments que génère cette violation des lignes sont incalculables : parfois, il faut attendre plus d'une heure pour faire un trajet de quatre à cinq kilomètres. Il suffit de passer par les arrêts qui sont dans certains cas illégaux pour mesurer l'ampleur de l'arnaque qui se produit. A titre d'exemple, prendre un fourgon à proximité du square 1er Novembre, avec un arrêt illégal sur la Grand-rue, suffit pour tout comprendre. Le tableau est des plus révoltants : la plupart des fourgons qui s'y arrêtent, dont un nombre incalculable sont des clandestins qui travaillent sans payer le moindre centime aux contribuables avec tous les risques que les voyageurs encourent à leur insu, refusent d'embarquer ceux qui veulent se rendre à la nouvelle ville. Ils ont trouvé cette formule : la Tour ! Pas plus. En réalité, la Tour est située à mi-chemin du circuit qu'ils doivent faire. Mais ils prétendent ne pas aller au-delà de la Tour juste pour une question de gains. C'est une façon de multiplier le prix de la place par deux ou trois. Là, ces transporteurs, qui foulent au pied les lois, la morale, le code de la route, s'inventent des itinéraires à leur guise. Le même scénario est valable pour le sens inverse. Il n'est pas exclu parfois d'assister à des prises de bec. Il se peut aussi que vous vous rendiez en ville via Khodja Khaled et vous vous retrouviez tout à fait à proximité de la gare routière. Là, vous devez débourser une nouvelle fois 15 DA pour remonter au centre-ville. C'est la «loi» des transporteurs qui se trouvent des dons de législateur en la matière. Pis encore, ces mêmes transporteurs ne respectent aucune règle de bienséance : de la manière de s'habiller à leur comportement avec les clients en passant par les décibels d'une musique à vous faire éclater les tympans. Ce triste tableau n'est pas propre aux transporteurs intra-muros. On le retrouve avec d'autres formes chez ceux qui assurent les dessertes vers les communes lointaines. Une simple virée aux arrêts en fin de journée, et vous mesurerez toute l'angoisse des voyageurs qui attendent des heures jetés aux caprices des conditions météorologiques (il n'existe même pas d'abris). Là, c'est une grande partie des transporteurs qui ignorent tout simplement qu'ils assurent un service public. Amar est originaire de Boudjima, d'un village situé aux frontières de la commune de Makouda, et travaille à Tizi Ouzou. Il dira fort à propos : «On nous dépose le matin et nous abandonne le soir.» Explication : la matinée il est aisé de se rendre en ville, mais le soir venu, soit à partir de 17h, heure à laquelle justement Amar sort de son travail, il lui faut encore plus de 30 minutes pour regagner l'arrêt, les transporteurs se font désirer et rares sont ceux qui reviennent «récupérer» ceux qu'ils ont transportés le matin. Cette situation n'est pas propre à la destination citée plus haut mais à toutes les autres. Il n'est pas exclu de voir certains infortunés voyageurs louer des taxis ou encore aller chez un proche ou carrément prendre une chambre d'hôtel. Les transporteurs pour leur part, du moins ceux à qui nous avons posé la question, estiment que parfois ils ne sont pas dans leurs frais à cause des interminables bouchons. «C'est pourquoi, parfois, on préfère arrêter le moteur plus tôt», nous dira l'un d'eux. Les transports de masse comme consolation Face à tous les imbroglios cités, ils sont de plus en plus nombreux les voyageurs qui recourent au transport de masse. Les bus, notamment ceux de l'Entreprise de transports de voyageurs de Tizi Ouzou (ETTO), constituent une bouffée d'oxygène pour les usagers. «Même si les bus prennent beaucoup plus de temps à cause des arrêts et des bouchons, je préfère ça aux petits fourgons. Ici au moins, il y a un personnel qualifié, en uniforme, et on n'a pas besoin de demander l'itinéraire puisqu'il est affiché», nous dira Samira, rencontrée dans l'un de ces bus bleu et blanc. La flotte de l'ETTO, forte de 30 bus, couvre toutes les directions avec un service public avéré de 6h à 19h, même les week-ends et les jours fériés. Ce mode de transport qu'il faut renforcer à l'avenir permet de gagner en matière de prestation, de sécurité, de régularité ainsi que de variation de l'espace. Cette même entreprise aura à assurer un ramassage à partir des stations intermédiaires, entre autres celles de la région nord, comme Tigzirt, de Beni Douala et Oued Fali. Venir à bout de l'anarchie qui caractérise le transport urbain relève de l'accomplissement de l'un des douze travaux d'Hercule. C'est pourquoi il est impératif à ce qu'une nouvelle dynamique soit mise en place et que les choses soient prises en main. Ne dit-on pas que les transports sont une science ? Une véritable toilette s'impose dans ce secteur. Il s'agit aujourd'hui, s'accorde-t-on à dire, de remettre de l'ordre en reprenant les stations, les itinéraires et les prestations.